Projet de loi de Modernisation du dialogue social – Discussion des amendements de M. Desessard

Amendement n° 30, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé : Avant l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code du travail est ainsi modifié : 1° Avant le titre Ier du livre Ier, il est inséré un article ainsi rédigé : « Art. L. 100-1. – La représentativité nationale des organisations syndicales de salariés est appréciée en retenant les résultats d’une élection de représentativité organisée tous les cinq ans au niveau des branches professionnelles. Cette élection à laquelle participe l’ensemble de la population active respecte les principes généraux du droit électoral. Ne peuvent se présenter à l’élection de représentativité que des organisations syndicales, constituées conformément aux articles L. 411-1 et suivants du présent code et respectant les valeurs républicaines. « Un décret en Conseil d’État fixe des conditions à la présentation des organisations syndicales en fonction de leur nombre d’adhérents, les modalités d’organisation du scrutin, ainsi que les modalités de participation au scrutin de la population active non concernée par les articles L. 433-4 ou L. 423-7. » ; 2° Dans l’article L. 132-2, la référence : « L. 133-2 » est remplacée par la référence : « L. 100-1 ».

Défense de l’amendement par Jean Desessard

Monsieur le président, mes chers collègues, je voudrais d’abord faire une remarque sur les propos de M. le ministre délégué. Quel fantastique orateur ! Quel talent, monsieur le ministre délégué ! Certains parviennent à vendre des réalisations. D’autres vendent des promesses. Quant à vous, c’est encore mieux : vous vendez le contraire de ce que vous avez fait au cours de la législature !

N’est-ce pas formidable ? Votre action de ces dernières années contredit totalement votre argumentation ! Pour en venir à l’amendement n° 30, il ressemble fortement aux amendements défendus par Mme Le Texier et par M. Fischer, sauf qu’il élargit le corps électoral à l’ensemble de la population active, en particulier aux chômeurs et aux emplois précaires.

Le dialogue social ne peut avoir d’autre vertu que d’instaurer la démocratie sociale.

Cela suppose, d’une part, que la représentativité de tous les acteurs concernés par le contrat social, je dis bien « tous », soit garantie par leur vote et, d’autre part, qu’une seule organisation même représentative ne puisse engager par son accord l’ensemble du corps des votants si elle est minoritaire.

Mes collègues ici présents et, avant eux, ceux de l’Assemblée nationale ayant déjà argumenté en faveur d’une élection de représentativité au niveau d’une branche professionnelle, je m’en tiendrai à relever que ce texte exclut du pacte social toute une partie de la population active.

Permettez-moi de m’insurger contre le fait que, dans une démocratie, la représentation et l’expression d’une population particulière ne soient pas mieux assurées : je veux parler des chômeurs et des travailleurs précaires. Ainsi, par le simple fait de perdre son emploi ou d’avoir un emploi précaire, un actif deviendrait tout à coup passif, simple usager, sujet plus qu’acteur, isolé, sans mandataire ni médiateur. Bref, statistique et invisible.

Je parle ici des 2,172 millions de personnes que comptabilise le ministère de l’emploi au titre des chiffres officiels du chômage, et aussi des 2,276 millions de personnes non comptabilisées mais néanmoins au chômage dans les départements d’outre-mer, demandeurs d’emploi temporaire ou à temps partiel, ou « dispensées de recherche d’emploi », ou cherchant un emploi mais ayant travaillé plus de soixante-dix-huit heures dans le mois, ou « demandeurs d’emploi non immédiatement disponibles ».

Sans oublier tous les autres précaires du travail qui, comme ces 4,4 millions, sont privés des possibilités d’expression et des moyens de pression dont disposent les travailleurs en activité, et donc privés de place dans l’échange social.

J’attendais de ce projet de loi de modernisation du dialogue social la prise en compte de la précarité croissante de notre société. Or, pas de dialogue social sans démocratie sociale, pas de démocratie sociale sans existence sociale, pas d’existence sociale sans mandataire ni médiateur.

Le droit d’exister des chômeurs et des travailleurs précaires, c’est le droit d’être représentés partout où leurs intérêts sont en jeu. Déjà exclus du marché du travail une fois, ils ne veulent pas non plus être exclus de la citoyenneté. Liés par une réalité collective au-delà de leur situation et problématique individuelles, ils doivent, comme tout un chacun, pouvoir faire entendre leur voix et faire valoir leurs droits.

Sauf à vouloir instaurer cette « double peine », c’est donc bien la population active dans son ensemble qui doit être concernée par le dispositif de dialogue social que vous proposez et par l’élection de représentativité des organisations syndicales que nous vous demandons. Permettre aux demandeurs d’emploi de prendre part à l’élection des organisations syndicales favoriserait en outre une action réconciliant la défense des salariés en place et celle des demandeurs d’emploi.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Amendement n° 6, présenté par Mmes Le Texier, Printz et Jarraud-Vergnolle, MM. Madec et Desessard, Mmes Demontès, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Godefroy, Domeizel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé : L’article L. 131-1 du code du travail est complété par deux alinéas ainsi rédigés : « La représentativité au niveau national des organisations syndicales de salariés légalement constituées et des organisations représentant les employeurs est appréciée en retenant les résultats d’une élection de représentativité organisée tous les cinq ans dans l’ensemble des entreprises de chacune des branches professionnelles et permettant à tous les salariés et à tous les employeurs d’y participer. « La consultation électorale respecte les principes généraux du droit électoral. Elle se déroule dans chaque entreprise sur les lieux de travail et pendant le temps de travail. »

Défense de l’amendement par Jean Desessard

Je voudrais reprendre quelques points qui ont été abordés par M. le ministre et Mme la rapporteur.

S’agissant tout d’abord de la faiblesse du nombre de syndiqués en France, quelques mois après la grève de décembre 1995, j’ai participé à une chaîne de solidarité en Allemagne, dans la Sarre, réunissant 100 000 personnes dans le cadre d’un combat syndical. On sait que l’Allemagne compte beaucoup plus de syndiqués que la France. J’ai applaudi l’organisation des syndicats allemands. Mais il m’a alors été répondu que ceux-ci n’étaient rien à côté des salariés français, qui sont capables de faire grève pendant trois semaines, de tout bloquer et d’obtenir satisfaction.

Pourquoi y a-t-il moins de syndiqués en France et pourquoi les grèves sont-elles si dures ? En fait, c’est à cause non pas des salariés,mais du patronat, qui ne respecte pas le pacte social et qui ne sait pas négocier. On demande aux salariés de faire des efforts lorsque l’entreprise va mal. On leur annonce que les salaires n’augmenteront pas parce que la situation est difficile. Mais, lorsque celle-ci s’améliore, on n’augmente pas pour autant les salaires. Il faudrait quand même que la négociation fonctionne dans les deux sens !

Nous avons le patronat le plus conservateur d’Europe.

C’est ce comportement qui explique la faiblesse syndicale en France. Le combat, la grève sont en effet plus efficaces que la négociation entre le patronat et les salariés.

Ensuite, Mme la rapporteur nous dit qu’il ne faut pas se décider maintenant. Alors, pourquoi avoir présenté ce projet de loi ? Mes chers collègues, je vous ai connus plus rapides, notamment lors de la fusion entre Suez et GDF ; j’ai même entendu certains orateurs dire ici qu’il ne fallait surtout pas perdre de temps.

Sachez que si l’on adoptait le même système de représentativité dans le domaine politique, ne pourraient se présenter aujourd’hui aux élections que les partis qui existaient après la guerre, à savoir le parti communiste et les radicaux. Et, pour ces derniers, il resterait à déterminer s’il s’agit des radicaux de gauche ou des radicaux valoisiens. Autrement dit, la majorité d’entre nous ne siégeraient pas sur ces travées. Pour ma part, j’aurais tenté de m’inscrire chez les radicaux.

On nous dit qu’il faut un projet de loi de modernisation du dialogue social. Admettez que l’on puisse réformer et penser qu’il y a d’autres organisations syndicales que celles qui existaient après-guerre !

Madame la rapporteur, vous ne disposeriez pas aujourd’hui des éléments vous permettant de définir la représentativité syndicale. À l’évidence, le nombre d’adhérents ne peut pas être un critère, car, grâce à Internet, tout le monde peut être adhérent. On a pu le constater, l’adhésion peut aujourd’hui être très rapide et ne coûter que 1 euro.

C’est donc le critère du vote qu’il faut prendre en compte, à moins que vous ne mettiez en place une réforme institutionnelle et que la représentativité politique dépende désormais du nombre d’adhérents d’un parti. Mais, vous le voyez bien, cet argument est absurde. Seul le vote peut mesurer la représentativité syndicale. Vous dites également, Madame la rapporteur, et je vous en remercie, que je soulève un vrai problème en estimant que les chômeurs et les travailleurs précaires doivent être représentés. La modernisation sociale, c’est justement le fait de tenir compte de la précarité et d’élargir le champ social à l’ensemble des personnes qui souffrent de la précarité !

(L’amendement n’est pas adopté.)

Amendement n° 31, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene – Thiery et Voynet, est ainsi libellé : Avant l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le titre Ier du livre Ier du code du travail, il est inséré un article ainsi rédigé : « Art. L. 100-2. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions de la représentativité des organisations de chômeurs et précaires ainsi que les modalités d’organisation du scrutin. ».

Défense de l’amendement par Jean Desessard

J’ai précédemment défendu un amendement de même inspiration en réclamant l’élargissement de la procédure de concertation aux organisations de chômeurs et de travailleurs précaires afin d’assurer la citoyenneté et la représentation qui leur sont dues. Passer du silence à la parole suppose que cette parole soit portée par les intéressés par le biais d’un relais, d’une forme de globalisation de l’expression, bref au travers d’un ou de plusieurs mécanismes appropriés de représentation.

Explication de vote de M. Jean Desessard sur l’amendement

Tout d’abord, M. le ministre évoque l’objectif d’un retour au plein-emploi. Nous pourrions tous y souscrire. Malheureusement, je crains fort qu’il ne s’agisse d’un mythe et que nous nous dirigions au contraire vers une société de précarité, même si je ne le souhaite pas. À mon sens, pendant les dix ou les vingt prochaines années, la précarité s’aggravera et le nombre de sans-emploi augmentera.

Ensuite, faut-il que les travailleurs précaires et les chômeurs ne soient pas représentés ? Certains estiment que les organisations syndicales les représentent. C’est faux ! Nous le voyons d’ailleurs très bien : la section « chômeurs » de la CFDT ou la CGT-chômeurs ont peu d’adhérents et il leur est difficile d’en recruter, d’autant qu’elles sont encadrées par des syndicalistes salariés.

Ainsi, il existe un véritable problème de représentation des personnes en situation de précarité, des travailleurs intérimaires et des chômeurs. Ceux qui sont sans-emploi doivent-ils, pour autant, être privés de citoyenneté syndicale ? Est-ce cela, aujourd’hui, la modernisation sociale ?

En réalité, seuls les salariés de la fonction publique, que vous dénoncez par ailleurs – vous trouvez qu’ils font trop souvent grève -, bénéficient d’une réelle représentation syndicale. Tous les autres, c’est-à-dire les travailleurs occasionnels ou les personnes qui ne parviennent pas à trouver un emploi, ne mériteraient pas d’être représentés : comme ils ne travaillent pas et ne sont pas des agents économiques, doivent-ils être des citoyens ?

La modernisation sociale consiste précisément à tenir compte de la situation des salariés contraints de travailler peu et des demandeurs d’emploi.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Amendement n° 32, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene – Thiery et Voynet, est ainsi libellé : Avant l’article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le titre Ier du livre Ier du code du travail, il est inséré un article ainsi rédigé : « Art. L. 100-3. – La représentativité nationale des organisations d’employeurs doit prendre en compte le secteur de l’économie sociale. Un décret en conseil d’État crée un collège représentant les associations, les mutuelles, les sociétés coopératives ouvrières de production, tous les employeurs faisant partie du secteur de l’économie sociale. »

Défense de l’amendement par Jean Desessard

Ce projet de loi pose évidemment aussi la question de la représentativité des organisations patronales. D’une part, le MEDEF s’arroge une « supra représentativité », exorbitante dans les faits. D’autre part, la procédure de concertation ne concerne que les organisations représentatives au niveau interprofessionnel. C’est donc tout un ensemble de réformes du droit du travail concernant des secteurs spécifiques qui échappe à la concertation des organisations représentatives sectorielles.

M. le ministre s’est engagé à ce que de telles réformes puissent également faire l’objet d’une concertation. Il visait notamment la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles et l’Union nationale des professions libérales.

Il conviendrait aussi de prendre en compte « le tiers secteur » dans la représentativité des organisations d’employeurs et de l’associer à la procédure de concertation. En effet, celui-ci regroupe l’ensemble des initiatives économiques à finalité sociale exercées principalement par des associations, mutuelles et coopératives. En outre, il représente une proportion de plus en plus importante des entreprises et des emplois en France comme dans l’Union européenne. Ainsi, plus de 30 % de la population européenne serait membre d’une organisation ou d’une entreprise de l’économie sociale. La modernisation du dialogue social ne peut pas avoir de sens si elle se passe des représentants d’une économie ancrée dans la gestion du quotidien. Les mutuelles de santé et de prévoyance couvrent 30 millions de personnes et les mutuelles d’assurances couvrent une automobile sur deux et deux habitations sur trois.

Qui ne connaît les coopératives agricoles, viticoles, laitières, de pêche, de transport ou de distribution, par exemple les centres Leclerc, le Système U et les magasins Intersport ? Qui ne connaît les banques coopératives, notamment les Banques populaires, le Crédit agricole, le Crédit coopératif, le Crédit mutuel ou les Caisses d’Epargne ?

Quant aux associations, elles sont présentes partout, dans les domaines tant sportif que culturel, éducatif, familial, sanitaire et social ou environnemental. L’économie sociale, c’est également plus de 1 000 milliards d’euros de ressources, plus de 1,7 million d’emplois. Au travers de 760 000 entreprises, c’est l’un des gisements les plus fertiles en créations d’emplois. Comment le dialogue social peut-il passer à côté de ce poids lourd de l’économie, qui sera très certainement appelé à l’avenir à créer la majorité des emplois ?

(L’amendement n’est pas adopté.)

Amendement n° 36, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene – Thiery et Voynet, est ainsi libellé : Avant l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le titre Ier du livre Ier du code du travail, il est inséré un article ainsi rédigé : « Art. L. 100-4. – Il est créé un chèque associatif ou syndical pour chaque personne au chômage. Lorsqu’une personne se retrouve au chômage, elle peut choisir une adhésion syndicale ou à une association de chômeurs sous la forme d’un chèque associatif ou syndical. Ce chèque permet le règlement de l’adhésion au syndicat ou à l’organisation de chômeurs choisi et le paiement est pris en charge par l’État ».

Défense de l’amendement par Jean Desessard

Cet amendement concerne le financement des associations de chômeurs, qu’elles soient indépendantes ou affiliées à un syndicat.

Le droit d’exister des demandeurs d’emploi partout où leurs intérêts sont en jeu suppose que chaque personne inscrite à l’ANPE puisse adhérer à une association de chômeurs ou à un syndicat de son choix, afin de défendre ses droits et sa dignité. C’est là une évidence ! Le poids du coût de la vie et la situation financière des chômeurs et travailleurs précaires n’étant pas non plus à démontrer, ce droit d’exister entraîne également pour l’État, les collectivités locales, régions, départements et communes, et les établissements publics l’obligation de leur procurer des financements et des locaux.

Cet amendement a donc pour objet de créer un chèque associatif ou syndical. Celui-ci serait financé par l’État selon des modalités à définir et remis au demandeur d’emploi, afin de lui permettre de cotiser à une structure d’accueil choisie en toute liberté.

En outre, les associations et les syndicats de chômeurs pourraient ainsi obtenir le soutien financier direct et régulier de l’État qui leur manque pour mener à bien leurs missions auprès des demandeurs d’emploi, pour poursuivre leur expérience et pour s’entourer des expertises nécessaires.

Le mouvement syndical des salariés bénéficiant déjà d’aides importantes, une telle stabilité de financement des associations et syndicats de chômeurs, qui n’entrent aujourd’hui dans aucune des formules de financement automatique, corrigerait encore un peu plus le déséquilibre démocratique. En effet, qui dit rééquilibrage des moyens d’expression dit également rééquilibrage des moyens financiers de la représentation.

Explication de vote de M. Jean Desessard sur l’amendement

J’ai l’impression que Mme la rapporteur et M. le ministre m’ont répondu à côté de la question. Ils ont expliqué que les syndicats avaient déjà les moyens de fonctionner. Mais mon amendement tend non pas uniquement à créer un chèque syndical, mais également à permettre aux demandeurs d’emploi de s’affilier soit à une association de chômeurs, soit à un syndicat.

Les demandeurs d’emploi vivent très mal la séparation de l’entreprise et les revendications des syndicats sur l’amélioration des retraites, l’accès aux loisirs, la défense du pouvoir d’achat, et même la réduction du temps de travail. Ils ont d’autres préoccupations, notamment la réinsertion professionnelle, et ont le sentiment d’être exclus du monde du travail.

Certains continuent à se syndiquer mais, très souvent, ils rejoignent une association de chômeurs. Même les anciens salariés de MetalEurope ont quitté la CGT pour adhérer à une association de chômeurs. Ce qui leur manque, c’est le financement pour s’organiser ; ils veulent poursuivre leur action syndicale au sein d’une association de chômeurs. Il existe aujourd’hui un hiatus entre les revendications syndicales et les revendications des travailleurs précaires et des chômeurs.

Pour favoriser la citoyenneté des demandeurs d’emploi, nous devons encourager leur affiliation à une association de chômeurs. Le financement peut être envisagé selon deux modalités : soit le Gouvernement choisit la « bonne » association de chômeurs qui bénéficiera de la subvention, et les gens ne peuvent pas s’affilier librement ; soit c’est le demandeur d’emploi qui désigne l’association ou le syndicat par lequel il s’estime le mieux représenté et auquel la cotisation sera versée.

Je constate, madame la rapporteur, monsieur le ministre, que vous refusez la citoyenneté aux travailleurs précaires et aux demandeurs d’emploi.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Amendement n° 33, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene – Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l’article L. 101-1 du code du travail, après le mot : emploi insérer les mots : , les garanties sociales

Défense de l’amendement par Jean Desessard

Je citerai ici une phrase prononcée par Jacques Chirac devant le Conseil économique et social en octobre dernier : « Il ne sera plus possible de modifier le code du travail sans que les partenaires sociaux aient été mis en mesure de négocier sur le contenu de la réforme engagée. Et aucun projet de loi ne sera présenté au Parlement sans que les partenaires sociaux soient consultés sur son contenu ».

Pourtant, les domaines visés par le projet de loi étant limités aux relations individuelles et collectives du travail, à l’emploi et à la formation professionnelle, ils ne correspondent donc que partiellement au champ actuel de la négociation collective tel qu’il est défini par l’article L. 131-1 du code du travail, à savoir l’ensemble des conditions d’emploi, de formation professionnelle et de travail et des garanties sociales.

La Commission nationale de la négociation collective pourra d’ailleurs désormais émettre un avis sur ces sujets, conformément à l’article 2 du projet de loi. N’est-il pas étrange que cette commission puisse se saisir de questions ayant trait aux garanties sociales, mais que les « procédures de concertation, de consultation et d’information » ne puissent s’appliquer aux projets de réforme intéressant les garanties sociales ? Il conviendrait donc que l’ensemble des partenaires sociaux puissent être consultés sur de tels sujets.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Amendement n° 34, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene – Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l’article L. 101-1 du code du travail, après les mots : et d’employeurs insérer les mots : , et les organisations de chômeurs et précaires,

Défense de l’amendement par Jean Desessard

Le droit d’exister des chômeurs et des travailleurs précaires, qui sont unis par une situation commune – au-delà de leurs différences et de leur dispersion -, passe également par le droit de se regrouper dans des structures qui prennent en compte l’hétérogénéité des situations de chômage, des trajectoires individuelles et des difficultés personnelles, et par le droit de disposer de mécanismes propres de représentation.

Le droit des chômeurs et des travailleurs précaires de s’associer et d’être représentés partout où leurs intérêts sont en jeu implique qu’il ne puisse y avoir de dialogue social sans partenariat actif avec ces organisations. Le monde agricole a bien prouvé que la dispersion géographique et l’hétérogénéité des structures, voire des intérêts, n’empêchent nullement de se doter de structures ou institutions représentatives, aidées par l’État, destinées à organiser une cogestion de la politique agricole.

Il doit en être de même dans le domaine du chômage et de la politique de l’emploi. Les organisations de chômeurs et de travailleurs précaires, qui seront déclarées représentatives selon des modalités qu’il conviendra de fixer par décret, doivent pouvoir accéder au statut de partenaire social et être associées à la procédure de concertation.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Amendement n° 35, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Après le texte proposé par cet article pour l’article L. 101-3 du code du travail, ajouter un article ainsi rédigé : « Art. L. … – Tout projet de réforme qui porte sur le régime de l’assurance chômage fait l’objet d’une concertation préalable avec les organisations de chômeurs et précaires déclarées représentatives au sens de l’article L. 100-2. »

Défense de l’amendement par Jean Desessard

Pour les demandeurs d’emploi et les travailleurs précaires, le droit d’exister, j’y insiste, c’est le droit de s’associer et d’être représentés partout où leurs intérêts sont en jeu.

Ils doivent donc, comme tout un chacun, pouvoir faire valoir leurs droits aussi en matière d’assurance chômage, notamment faire entendre leur voix dans les structures responsables de la gestion et de l’administration de ce régime, l’UNEDIC et l’ANPE, desquelles ils sont pour le moment totalement exclus.

Que l’on n’invoque pas l’idée fausse selon laquelle les syndicats représenteraient les demandeurs d’emploi et qu’il n’y aurait pas d’opposition d’intérêts entre ceux-ci et les salariés en place !

Je prendrai un exemple à cet égard.

Pour que les chômeurs retrouvent un emploi, nous dit-on, il faut leur accorder dans un premier temps une indemnité dégressive, puis plus rien du tout, afin de les pousser à retrouver un travail.

Or ce raisonnement est faux, puisqu’il y a toujours autant de chômeurs. Certains d’entre eux bénéficient d’abord d’indemnités dégressives, puis perçoivent l’allocation spécifique de solidarité, l’ASS, le RMI, et finissent par ne plus avoir les moyens de se loger ou de se vêtir, ce qui rend encore plus difficile la recherche d’un emploi. Leur réinsertion coûte alors très cher à la société.

Or, dans les années soixante-dix, à une époque où ce raisonnement aurait pu être juste car il y avait peu de chômage, on versait des indemnités représentant 90 % de l’ancien salaire brut. Cela durait au minimum un an, et ensuite la dégressivité était faible. Pourtant, on aurait pu estimer qu’il ne fallait pas indemniser autant les chômeurs, puisque le marché du travail était beaucoup moins tendu.

Le problème central, on le voit bien, tient donc non pas au niveau de l’indemnisation, mais au fait que les demandeurs d’emploi sont très nombreux et que l’argent manque.

En effet, cet argent provient soit des cotisations sociales des salariés, soit de celles des employeurs. Or, pour maintenir le pouvoir d’achat des salariés et les profits des entreprises, employeurs et syndicats de salariés ont objectivement accepté la dégressivité de l’indemnisation des demandeurs d’emploi et entériné le fait que l’assurance chômage soit une protection provisoire.

Faute de représentation significative des chômeurs dans les syndicats de salariés permettant de mener une action prenant en compte leurs intérêts, il convient de combler le vide social en associant les organisations de chômeurs aux réformes de l’assurance chômage et à la gestion du service public qui les concerne.

(L’amendement n’est pas adopté.)