Ma réponse à la déclaration de politique générale du Premier ministre

Monsieur le Premier ministre,

Au préalable, vous avez, dans votre déclaration de politique générale, exprimé une position forte et déterminée sur la situation dramatique à Alep. Le groupe écologiste se joint à vous pour condamner ces atrocités et exprime son soutien à votre démarche.

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Monsieur le Premier ministre, le discours que nous venons d’entendre est de bonne facture, tout en étant paradoxal.

Il constitue d’une part, une feuille de route à minima d’un Gouvernement gérant une fin de quinquennat pour le moins difficile et d’autre part, un testament d’une majorité qui, tout au long de son mandat, s’est fracturée faute d’une orientation et d’une action conforme à ses engagements initiaux, faute aussi du souffle nécessaire pour faire vivre l’espoir suscité par l’élection du Président Hollande en 2012.

Le renoncement de celui-ci à se présenter, fait sans précédent sous la Vème République, souligne de fait, par sa lucidité et sa dignité, cet échec patent et nous engage tous.

Cet échec du président de la République est un échec de la gauche, qui ne s’est unie en 2012 que par anti-sarkozysme et n’a jamais bâti le projet commun qui lui fait encore défaut aujourd’hui.

C’est aussi l’échec du Parti socialiste, qui, fort de sa majorité absolue à l’Assemblée nationale, a cru pouvoir gouverner tout seul et qui a poursuivi dans cette conviction alors que la majorité s’effritait progressivement jusqu’au quasi dépôt d’une motion de censure lors des débats sur la loi Travail l’été dernier.

C’est enfin l’échec de votre prédécesseur, qui a cru que l’article 49-3 de la Constitution et la politique du coup de menton pouvaient être des instruments de rassemblement d’une gauche de plus en plus divisée.

Monsieur le Premier ministre, si votre déclaration de politique générale s’inscrit dans la continuité, elle souligne aussi, en creux, tous les dysfonctionnements de la gestion passée.

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Pour les écologistes, ce quinquennat, marqué par un certain volontarisme, mais aussi par de trop nombreux renoncements, conservera longtemps un goût d’inachevé.

Ainsi, si la diplomatie française peut s’enorgueillir d’avoir permis la conclusion, lors de la COP 21, de l’accord planétaire sur le climat qui végétait depuis deux décennies, la France n’emprunte pas encore le chemin du respect de ses engagements internationaux.

Si les écologistes se sont reconnus dans l’ambition de la loi sur la Transition énergétique, sa mise en œuvre est décevante dans de nombreux domaines qui faisaient justement sa force : diminution de la part du nucléaire, rénovation thermique des bâtiments, fiscalité du carbone…

Ces manquements obèrent la capacité de la France à diminuer ses émissions de gaz à effet de serre.

D’une manière plus générale, la philosophie productiviste qui a animé les gouvernements successifs depuis 2012 (l’aide aux entreprises sans contrepartie, le soutien à tous les grands projets d’aménagement quelle que soit leur utilité) nous semble incompatible avec le cap fixé en matière de transition écologique.

 

Par ailleurs, nous nous félicitons de l’adoption, et ce avec le soutien du pouvoir exécutif et des majorités de gauche, de propositions de loi écologistes telles que :

  • la Loi Blandin sur les lanceurs d’alerte,
  • la Loi Abeille sur les ondes électromagnétiques,
  • la Loi Allain sur l’ancrage territorial de l’alimentation
  • et la loi Gattolin sur l’interdiction de la publicité dans les programmes de télévision pour enfants.

Cependant, nous regrettons vivement que ce Gouvernement, cédant à la pression des lobbies, en ait limité la portée et retardé l’application. En effet, récemment, lors des débats à l’Assemblée sur la loi Montagne et la loi Sapin 2, des amendements soutenus par le Gouvernement, ressemblant fort à des cavaliers législatifs, ont modifié des dispositions essentielles de ces textes, les vidant de leur substance.

 

Il est un autre sujet sur lequel le Gouvernement a soufflé le chaud et le froid, nuisant à la lisibilité de son action : celui de la politique d’accueil des migrants. Le message d’extrême fermeté adressé par votre prédécesseur à l’ensemble de l’Europe lors d’un déplacement en Allemagne, a rompu avec la tradition d’asile séculaire de notre pays et a jeté une ombre noire sur l’action du Gouvernement. Pourtant, le pragmatique ministre de l’Intérieur que vous étiez a eu l’intelligence de signer une convention avec Damien Carême, maire de Grande-Synthe, pour que l’Etat puisse accompagner la commune dans la gestion du camp humanitaire qui accueille une partie du flot continue de réfugiés que connait le Nord de la France.

Aujourd’hui, vous avez clairement affirmé votre volonté d’une politique d’accueil généreuse…

Monsieur le Premier ministre, faites-nous oublier le triste épisode où la gauche a envisagé la déchéance de nationalité.

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Monsieur le Premier ministre, vous avez cinq mois pour agir, cinq mois pour redorer le blason de ce quinquennat, cinq mois pour avancer sur des chantiers essentiels.

J’en vois pour ma part trois :

  • D’abord approfondir le volet social en posant les premiers jalons du débat sur le revenu de base inconditionnel. Ce débat traverse aujourd’hui la classe politique mais aussi la société française avec comme horizon la création du socle d’un nouveau pacte social. Vous avez affirmé la volonté d’aller vers une allocation sociale unique, c’est un premier pas. Allons plus loin en lançant une grande expérimentation sur le revenu universel comme l’a proposé, de façon unanime, la mission commune d’information du Sénat sur le revenu de base.
  • Ensuite, engager la fermeture de la centrale de Fessenheim et poursuivre par un grand débat national sur le coût réel du nucléaire. Cela nous permettrait d’envisager lucidement l’avenir de l’énergie en France, d’anticiper les problèmes financiers d’EDF et accessoirement de respecter la promesse du candidat Hollande.
  • Enfin, et ce sujet est d’actualité, prendre des positions fermes à l’égard du diesel serait un signal fort pour lutter contre la pollution atmosphérique, ce poison invisible qui tue 48 000 Français chaque année, coûte des milliards à notre budget et impacte la santé publique autant que le tabac. Ce fléau pèse sur les enfants, les personnes âgées, les malades et les populations fragiles vivant dans des logements mal protégés proches d‘un trafic routier dense. Ce serait la simple application du principe de précaution inscrit dans la Constitution.

 

D’autre part, nous avons été heureux d’apprendre que le gouvernement ne s’engagerait pas dans un affrontement inutile et dangereux contre la ZAD de Notre Dame des Landes.

Mais nous continuons de penser, comme l’a également suggéré votre ministre de l’Environnement, que l’abandon de l’arrêté d’utilité publique serait plus judicieux pour mettre un terme à ce conflit qui agite le territoire breton depuis quatre décennies.

Monsieur le Premier ministre, comme vous l’avez affirmé, les cinq mois qui viennent comptent triple.

Nous sommes d’accord avec vous, désormais chaque jour compte :

  • Un temps pour gouverner la France avec toutes les difficultés que cela comporte.
  • Un temps pour changer de méthode en associant plus directement le Parlement à votre action.
  • Un temps pour créer de l’espoir, en dépassant les simples déclarations d’intentions de la gestion passée et en prenant des mesures concrètes et des actes forts à même de rassembler les forces citoyennes, de gauche et écologistes.

 

Monsieur le Premier ministre, les promesses s’envolent et seuls les actes restent et permettront de creuser, nous l’espérons, le sillon d’un avenir partagé.