Intervention de Jean Desessard sur la proposition de loi tendant à élargir la contribution de solidarité pour l’autonomie aux travailleurs non salariés et aux retraités et à compenser aux départements la moitié de leurs dépenses d’allocation personnalisée d’autonomie

M. Desessard

Jeudi 25 octobre 2012

PPL tendant à élargir la contribution de solidarité pour l’autonomie aux travailleurs non salariés et aux retraités et à compenser aux départements la moitié de leurs dépenses d’allocation personnalisée d’autonomie

  (n°391)

 

Monsieur le président, Madame la Ministre, Monsieur le Rapporteur, mes chers collègues,

En étudiant la proposition de loi, j’ai naturellement été enclin à m’intéresser en premier lieu à la question « comptable » : comment faire pour assurer le paiement des allocations? Approche non suffisante en soi, si bien que cette question comptable a été vite rattrapée par d’autres :

–       celle de la situation des collectivités territoriales aujourd’hui, leur degré d’autonomie financière et fiscale, leurs rôles et donc la réforme territoriale ;

–       celle de notre modèle de cotisations et de prestations sociales (à l’heure où nous étudions le PLFSS)

–       et bien-sûr, celle de la dépendance, enjeu de notre avenir proche.

Complexité donc de la situation qui m’amène à ne pas me positionner à la légère sur cette proposition mais à l’inscrire plus globalement dans la vision de la société que nous souhaitons et des mécanismes à mettre en place, à modifier en ce sens.

M. Roche nous interpelle sur l’incapacité des départements aujourd’hui à faire face à leurs charges d’action sociale. Indirectement, il nous interroge : le département, simple échelon de gestion ? sous-traitant des politiques nationales ? C’est malheureusement ce qu’il semble devenu.

Une fois payés le RMI, le RSA, l’aide personnalisée d’autonomie (APA) pour les personnes âgées, l’allocation aux personnes handicapées, les routes et les collèges, la portion du budget dévolu à la réalisation des projets du territoire est bien faible, quelque % seulement.

Et bien-sûr, ces reliquats ne sont pas le fruit d’une fiscalité propre mais celui d’une succession de réformes qui ont placé le département, à l’instar des autres collectivités territoriales, en position de quémandeur vis-à-vis d’un Etat qui s’est pourtant déchargé sur elles d’une partie croissante de ses missions.

Alors, quand en plus d’avoir un périmètre d’action réduit, un budget dont il n’est que très partiellement maître, le département ne peut compter sur l’effectivité des engagements financiers pris par l’Etat, la situation devient intenable.

Il est donc compréhensible et légitime que M. Roche et ses collègues interpellent l’Etat sur le respect de ses engagements.  C’est une moindre chose. Lors de la création de l’APA en 2001 , l’Etat s’était engagé à participer à hauteur de 50% aux coûts, engagement non respecté – comme le souligne M. Roche – dès la première année.

Et quand autonomie financière compromise se conjugue avec autonomie fiscale atone, on ne peut qu’interroger notre capacité collective à répondre aux besoins de nos concitoyens.

Pour autant, concernant la proposition de M. Roche visant à élargir la contribution de solidarité pour l’autonomie aux travailleurs non salariés et aux retraités, je suis conduit à donner un avis défavorable. Non parce que je n’adhère pas aux motifs exposés. Mais, comme l’ont justement formulés d’autres collègues, parce qu’à court terme, le projet de loi de finances de la sécurité sociale pour 2013, prévoit d’ores et déjà un élargissement de l’assiette servant à financer la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (article 16 du PLFSS 2013) ; mais, aussi et surtout, parce qu’à moyen terme, il s’agit d’inscrire la réflexion dans le cadre du chantier de la perte d’autonomie des seniors, de la réforme territoriale et d’une réforme des modes de financement de la sécurité sociale.

Mme la Ministre déléguée, Michèle Delaunay, a indiqué récemment vouloir proposer un projet de loi sur la dépendance  pour la mi-2014.

Cette échelle de temps doit nous permettre d’adosser la réflexion aux mesures qui seront prises dans le cadre de la réforme territoriale, et plus particulièrement pour la fiscalité locale, et dans le cadre d’une réforme fiscale tant attendue.

Garantir un panier fiscal lisible pour chaque collectivité est une condition pour leur redonner des capacités d’intervention et de décision, pour remettre l’élu au cœur du système économique local et donc pouvoir engager les transitions écologiques des territoires.

Ceci suppose à la fois de garantir les montants de la dotation générale de fonctionnement (en l’éco-conditionnant) mais aussi et surtout redonner du pouvoir fiscal aux collectivités (révision des bases locatives, taxe sur l’urbanisation des terres agricoles, etc.).

Si cette fiscalité économique locale doit maintenir un volet de péréquation entre les territoires riches et les territoires pauvres, elle doit aussi être adossée à une évolution des indicateurs économiques traditionnels (indicateurs plus qualitatifs, bâtis sur les référentiels du développement durable) et une évolution des critères de refinancement des banques.

De la même manière, la réflexion sur le financement de la sécurité sociale doit être inscrite dans celle plus large de la réforme fiscale.

Les écologistes considèrent en effet qu’il n’est pas soutenable de  se limiter à la taxation du travail ou de faire porter sur les seuls salariés un effort démesuré. Jusqu’à aujourd’hui, nous n’avons pas promu les outils susceptibles à la fois de garantir des niveaux de recette suffisants pour mettre en œuvre les outils de solidarité nationale et les projets d’investissement, pour soutenir l’économie et l’emploi, sans pour autant porter atteinte à l’environnement.

En premier lieu, il s’agirait d’entériner l’abrogation de niches et autres soutiens publics aux pratiques et secteurs polluants. Puis, de  créer et favoriser une montée en puissance les outils d’une fiscalité écologique à même de compenser baisse des charges sur le travail, des charges sociales, de l’impôt sur le revenu, à l’instar de la Suède ou de la Colombie -Britannique. Je n’entre pas dans les détails. Il s’agit plutôt de pointer quels doivent être les considérants de la réforme fiscale.

En conclusion, si nous reconnaissons le bien-fondé de l’interpellation de M. Roche, nous estimons que l’urgence d’abonder la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie trouvera sa réponse dans le PLFSS 2013, aussi, en l’état, nous ne soutenons pas cette proposition de loi.