Intervention de Jean Desessard sur la proposition de loi visant à faciliter le stationnement des personnes en situation de handicap titulaires de la carte de stationnement – 12 décembre 2013

Monsieur le président, Madame la ministre, Monsieur le rapporteur, mes chers collègues,

 

Tout, ou presque, a déjà été dit par l’auteur de la proposition de loi, dans son exposé.

 

Monsieur Guillaume, vous avez montré combien l’accessibilité est un enjeu majeur de la lutte pour favoriser le déplacement des personnes en situation de handicap ; je ne reviendrai donc pas sur ces points, qui ont été fort bien exposés.

 

Le législateur a pris ses responsabilités ces dernières années, et plusieurs textes ont défini un cadre juridique pour l’accessibilité.

 

La loi du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées instaure le principe de l’accessibilité aux installations ouvertes au public.

 

La loi du 13 juillet 1991 prévoit pour sa part que la voirie ouverte à la circulation publique doit être aménagée pour permettre l’accessibilité des personnes en situation de handicap.

 

Nous avons beaucoup parlé de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées , qui définit un objectif d’accessibilité complète des établissements recevant du public et prévoit l’élaboration d’un plan de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics dans chaque commune.

 

Enfin, le décret du 21 décembre 2006 précise qu’au moins 2 % de l’ensemble des emplacements de chaque zone de stationnement doivent être accessibles et adaptés aux personnes circulant en fauteuil roulant.

 

L’arsenal législatif en faveur de l’accessibilité est quantitativement important et devrait théoriquement permettre de lutter avec efficacité contre l’exclusion des personnes à mobilité réduite. Or, en se penchant sur la mise en œuvre des textes, on se rend compte qu’il reste beaucoup de chemin à parcourir.

 

En juillet 2012, selon la délégation ministérielle à l’accessibilité, seulement 13 % des plans de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics ont été adoptés. Ils ne couvrent donc que 30 % de la population.

 

Pourtant, l’accessibilité est une préoccupation de nos concitoyens puisque, selon une étude OpinionWay de juin 2013, plus des trois quarts des Français jugent indispensable d’améliorer l’accès aux établissements publics, aux commerces de proximité, aux habitations, aux transports et aux lieux de culture.

 

Vous avez, madame la ministre, expliqué les raisons de cette attitude. Nous sommes solidaires des personnes en situation de handicap ou de leurs parents, et il peut nous arriver à tous, à un moment donné, d’être confrontés à un problème d’autonomie et d’accessibilité. Nous, écologistes, appelons cela « la ville lente ».

 

Les écologistes ont forgé le concept de « ville lente » et le défendent pour passer d’une situation où la ville fait l’objet d’aménagements spécifiques à une situation où tous les déplacements au sein d’une ville sont prévus d’emblée. La « ville lente », c’est une conception de la ville au quotidien qui ne se réduit pas aux personnes en pleine possession de leurs moyens, aux plus valides, aux plus vaillants, mais qui englobe l’ensemble de la population : les personnes âgées, les personnes en situation de handicap, les familles avec des poussettes.

 

Voilà qui me conduit à évoquer un souvenir remontant à 1989, année où je militais dans une association pour les transports collectifs. Il n’y avait alors plus aucun tramway, les tramways modernes n’ayant pas encore remplacé les tramways anciens. Et les adversaires de ce mode de transport, ceux qui étaient hostiles à sa réinstallation, disaient que l’autobus était préférable au tramway, qu’il était plus commode que ce dernier, car il s’adaptait aux rues.

 

Pour notre part, nous expliquions que, si nous préférions le tramway, c’est parce que la ville est aménagée en fonction de ce dernier et qu’elle est redéfinie au fil des voies de circulation.

 

C’est le choix du tramway qui a finalement été fait. Et ce dernier a été perçu sur un mode complètement différent, car on s’est aperçu que le tracé immuable, qui pouvait paraître comme un inconvénient, présentait en fait l’avantage de structurer la ville.

 

De la même façon, prendre en compte le concept de « ville lente », cela veut dire imposer que l’aménagement soit immédiatement pensé en fonction des handicaps dont, comme vous l’avez dit, madame la ministre, nous pouvons tous être atteints un jour. Cela conduit à une approche différente de l’aménagement de la ville, en fonction du handicap.

 

Voilà donc la raison pour laquelle nous nous accordons tous sur l’importance de l’accessibilité par rapport à l’autonomie.

 

Ainsi, le responsable de la commission « handicap » de mon parti se fait-il un devoir, quand il vient nous rencontrer à Paris, de ne pas choisir la facilité. Il s’interdit de prendre un taxi pour voir comment il peut se débrouiller tout seul en arrivant dans la capitale. Il veut être en mesure d’apprécier si toute la ville est aménagée pour garantir l’autonomie des personnes en situation de handicap.

 

Ce matin, nous mettons l’accent sur l’accessibilité, qui est la garante de l’autonomie pour tous nos concitoyens et concitoyennes.

 

En conclusion, nous voterons cette proposition de loi mais insistons – et je crois que tant M. Guillaume, l’auteur de ce texte, que Mme la ministre l’ont dit – pour ne pas entrer dans la catégorisation.

 

Le fil conducteur de mon intervention, c’est de souligner l’esprit d’une démarche qui ne vise pas à proposer des « plus » pour telle catégorie de la population ou telle situation de handicap. Le concept de « ville lente » ou de ville accessible doit valoir pour tous. Permettre l’accessibilité relève, comme vous l’avez dit, du droit commun. Il faut que les règles soient les mêmes pour tous. À nous d’aménager la ville pour que tous puissent en profiter pleinement !