Création d’une commission d’enquête sur la gestion des forces de l’ordre

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête sur les circonstances et les conséquences de la gestion du service public des forces de l’ordre depuis le 26 octobre 2005,

PRÉSENTÉE

Par Mmes Alima BOUMEDIENE-THIERY, Marie-Christine BLANDIN, Dominique VOYNET et M. Jean DESESSARD, Sénateurs, (Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale).

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis le 27 octobre 2005, de nombreuses villes de France sont en proie à des violences urbaines qui ont atteint un niveau intolérable, en particulier compte tenu des décès qui ont endeuillé notre pays. Ce que toutes ces violences révèlent, c’est l’éclatement de notre cohésion sociale.

Les causes profondes de tels événements sont à chercher dans une situation sociale durablement détériorée. Elles sont liées aux échecs répétés des politiques de la ville, de l’emploi, de l’éducation, des transports, du logement etc., au traitement discriminatoire des quartiers populaires, au refus de reconnaître les discriminations et à l’incapacité à promouvoir une réelle égalité des chances.

Toutefois, il est indispensable de s’interroger sur la gestion des forces de police avant et pendant ces évènements. En effet, les décisions du ministre de l’Intérieur, notamment ses déclarations, peuvent avoir eu un effet déclencheur ou accélérateur au début et au cours des violences.

C’est pourquoi nous demandons la création d’une commission d’enquête parlementaire sur la gestion des forces de l’ordre (polices nationale et municipale, gendarmerie) par le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy dans le cadre des récentes violences urbaines.

1) Tout d’abord, il s’agira de vérifier les nombreux témoignages qui évoquent des provocations policières, en particulier à Argenteuil, avant et pendant la visite nocturne de Nicolas Sarkozy le 25 octobre 2005, au cours de laquelle il a annoncé : « Vous en avez assez de cette bande de racaille ? Eh bien, on va vous en débarrasser » et « On va vous débarrasser de ces voyous ». A-t-on eu affaire, dans ce cas-là, à une provocation délibérée, alors que la mission du ministre de l’Intérieur est de maintenir l’ordre, et non de provoquer des réactions violentes ?

2) Ensuite, cette commission devra faire la lumière sur les conditions dans lesquelles Nicolas Sarkozy a accusé les deux jeunes morts électrocutés le 27 octobre 2005 à Clichy-sous-Bois, Ziad Benna (17 ans) et Banou Traoré (15 ans), de s’être rendu coupables d’une « tentative de cambriolage ». Dans un contexte local explosif, de quels éléments disposait-il à ce moment précis, le 28 octobre 2005, pour proférer des accusations aussi graves envers deux personnes qui venaient de perdre la vie ?

3) Au-delà de ces deux événements précis, la Commission d’enquête devra vérifier si, au cours de cette période de troubles, au niveau national, les forces de l’ordre n’ont pas commis des abus et si tout a été mis en œuvre par le ministre de l’Intérieur pour les éviter.

Le Parlement a toute légitimité pour contrôler la politique du gouvernement. Car ce qui est en jeu ici, c’est la crédibilité et donc l’autorité des forces de l’ordre.

On ne rompt pas un cycle de violences par l’invective et la répression, on n’en sort durablement que par la justice sociale et par la vérité sur les responsabilités de chacun.

C’est pourquoi, nous vous demandons, Mesdames, Messieurs, d’adopter la présente proposition de résolution.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

Il est créé en application de l’article 6 de l’ordonnance 58-1100 du 17 novembre 1958 et de l’article 11 du Règlement du Sénat, une commission d’enquête composée de 16 sénateurs. Cette commission est chargée d’apporter toute la lumière nécessaire sur les circonstances et les conséquences des événements violents survenus dans toute la France depuis la visite du ministre de l’Intérieur le 25 octobre 2005 à Argenteuil. Vu la nature des événements qu’elle est chargée d’examiner, la commission veille particulièrement à recueillir des informations sur des faits n’ayant pas donné lieu à des poursuites judiciaires, conformément aux dispositions du troisième alinéa du paragraphe I de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 précitée.