Intervention en séance de Jean Desessard sur la proposition de loi visant à mettre en place un dispositif de réduction d’activité des moniteurs de ski ayant atteint l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite, afin de favoriser l’activité des nouveaux moniteurs – 14 mai 2014

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, depuis 1963, les moniteurs de ski ont mis en place un dispositif de solidarité intergénérationnelle au sein de leur profession. Son principe est le suivant : réduire l’activité des moniteurs de ski ayant dépassé l’âge légal de départ à la retraite, afin de laisser la place aux jeunes moniteurs au sein des 260 écoles de ski françaises.

 

Ce dispositif a cependant été jugé discriminatoire par la HALDE et par les tribunaux de grande instance d’Albertville et de Grenoble, car il refusait l’accès à l’emploi à des moniteurs au seul motif de leur âge. La situation était d’autant plus problématique que les moniteurs seniors étaient poussés vers la sortie alors même qu’ils ne bénéficiaient pas de la totalité de leurs trimestres de retraite.

 

En effet, les trimestres de retraite des moniteurs entre 1963 et 1978 ne sont pas comptabilisés du fait de la non-affiliation des caisses de retraite des moniteurs au régime général des professions libérales durant cette période. De plus, comme le souligne le rapport de la commission, la réduction bénéficiait non pas exclusivement aux jeunes moniteurs, mais à tous les moniteurs. De ce fait, l’impact sur l’emploi des jeunes moniteurs était marginal.

Le sens de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est de sécuriser le dispositif de solidarité intergénérationnelle en garantissant l’accès à l’emploi des moniteurs de moins de 30 ans. Ce texte est compatible avec la directive 2000/78/CE, qui prévoit que les États membres peuvent instaurer des différences de traitement liées à l’âge dès lors que celles-ci sont « objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime ».

 

Le texte donne aux écoles de ski la possibilité – il ne s’agit pas d’une obligation – de mettre en œuvre un dispositif de réduction d’activité des moniteurs seniors. La limitation d’activité est encadrée : 30 % les trois premières années et 50 % les deux années suivantes, ce qui permet aux moniteurs seniors d’effectuer un nombre minimal d’heures suffisant pour valider deux trimestres de droits à la retraite par an.

 

La redistribution d’activité doit bénéficier exclusivement aux jeunes de moins de 30 ans et leur garantir la même durée minimale de travail pour valider ces deux trimestres de retraite par an. Ce texte entérine donc un pacte de solidarité générationnelle accepté par les moniteurs de ski eux-mêmes. Il s’agit d’une déclinaison sectorielle des contrats de génération créés par la loi du 1er mars 2013.

 

Cependant, cela ne doit pas nous dispenser de nous interroger sur les raisons du maintien dans l’emploi des moniteurs de ski, jusqu’à 80 ans pour 10 % d’entre eux. Il est vrai que le ski fédère des gens passionnés et que l’air pur de la montagne a une influence positive sur la durée de vie, mais se pose aussi la question des trimestres non validés entre 1963 et 1978.

 

Monsieur le rapporteur, vous avez affirmé en commission votre volonté d’alerter le Gouvernement sur ce point, afin que la situation puisse être réglée par la loi de financement de la sécurité pour 2015. Nous saluons cette initiative – et nous nous saluerons la vôtre, monsieur le secrétaire d’État, dans quelques mois –, car les moniteurs qui le souhaitent doivent pouvoir bénéficier d’une retraite méritée.

 

Mes chers collègues, j’ai fait beaucoup de redites jusqu’à présent, mais je vais maintenant vous soumettre deux réflexions non pas philosophiques, certes, mais générales. Elles ne constitueront assurément pas des redites, puisqu’elles découlent d’une interrogation écologiste.

Je n’ai pas le monopole de l’écologie, certes, chère collègue, mais j’ai au moins une cohérence, et je vais vous le montrer.

 

Le ski est une activité saisonnière ; on ne peut pas l’étendre à l’infini. Si on ne veut pas détruire la beauté des montagnes, il faut limiter le nombre des sites touristiques. On peut encore les développer, me direz-vous, mais il y aura bien un moment où on atteindra le maximum. On ne pourra pas avoir toujours et toujours plus de croissance !

 

La présente proposition de loi dit qu’il faut partager. C’est aussi ce que nous avons dit au moment du débat sur les retraites : cessez de courir après une croissance qui va polluer et détruire les ressources naturelles, car nous finirons par être asphyxiés ! Distribuons le travail ! Cela ne sert à rien de vouloir travailler plus longtemps. C’est en ce sens que la proposition de loi est intéressante.

 

J’en viens à ma seconde réflexion. Certains membres de l’UMP – je ne parle pas de vous qui êtes présents, chers collègues, car vous êtes vertueux – affirment qu’il faut travailler davantage, avec moins de vacances et de jours fériés.

 

Toutefois, regardons les chiffres : sur les sept millions de skieurs qui ont parcouru les pistes françaises en 2013, près de cinq millions, soit 70 %, étaient français. Si vous faites travailler davantage les Français, il n’y aura plus personne sur les pistes ! C’est tout un secteur économique qui sera mis en péril.

 

Vous ne pouvez pas à la fois demander aux Français de travailler davantage et souhaiter que l’industrie des loisirs fonctionne. Il faut examiner les choses dans leur globalité. Ce sont les vacanciers qui créent l’activité économique de la montagne. Cessez donc de dire qu’il faut travailler davantage ! Il faut plutôt partager le travail.

 

En conclusion, le groupe écologiste votera conforme cette proposition de loi équilibrée, qui permet de sécuriser un principe vertueux en lui donnant les moyens – c’est le plus important – de ne plus être discriminatoire.

 

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