Interventions de Jean Desessard au Sénat sur les ventes à la découpe

M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur les travées de la droite comme sur celles de la gauche, chacun reconnaît qu’il y a une grave crise du logement dans notre pays. Or, dans une situation de crise, de pénurie, les cyniques, les gens sans scrupules s’organisent pour tirer le maximum de profit.

Je citerai deux exemples.

D’abord, s’agissant de la résidence Arquebusiers dans le IIIe arrondissement de Paris, achetée par Westbrook en juillet 2003 au prix de 3 680 euros le mètre carré, elle est aujourd’hui revendue à la découpe au prix de 6 780 euros le mètre carré.

Ensuite, l’immeuble du 14 rue Froissard, dans le IIIe arrondissement de Paris, a été acheté par la SARL Marignan en octobre 2003 au prix de 2 400 euros le mètre carré ; cet immeuble est revendu en octobre 2005 au prix de 5 100 euros le mètre carré.

Y a-t-il une raison objective à un doublement des prix en deux ans ? Y a-t-il eu des installations nouvelles ? Des travaux de réfection ? Pas du tout. Une seule et unique raison l’explique : l’avidité des marchands de biens !

Il est alors proposé aux locataires d’acheter à un prix exorbitant ou de partir. Il s’agit du congé-vente. Quelles sont les conséquences de cette pratique ? Tout d’abord, une augmentation générale des loyers dans les grandes villes, de 11 % par an. Les salaires suivent-ils cette inflation, monsieur le ministre ? Vous savez bien que non. Par conséquent, le montant du loyer obère davantage le pouvoir d’achat, déjà fortement malmené.

Cette pratique remet en cause la mixité sociale, puisqu’un tiers seulement des locataires peuvent acquérir leur appartement au prix proposé, moyennant un grand sacrifice d’ailleurs. Les deux tiers des locataires, soit la grande majorité, doivent donc changer de voisinage, de quartier, parfois même de ville. C’est un changement radical de mode de vie : un logement, ce n’est pas simplement un toit, c’est aussi un environnement, des amitiés, des habitudes, une façon de vivre.

Enfin, cette pratique aboutit à une diminution du nombre de logements disponibles, puisque certains appartements deviennent des résidences secondaires ou des bureaux.

En définitive, la vente à la découpe, née de la crise du logement, amplifie ce phénomène.

Certains, le plus souvent à droite d’ailleurs, affirment qu’il ne faut pas s’opposer au marché, même à ses excès, au nom du respect du droit de propriété.

Nous pourrions discuter longuement, et nous le ferons, du droit de propriété par rapport au droit fondamental du logement. Pour autant, dans ce texte, il s’agit non pas du droit de propriété, mais du droit de spéculer. Il ne s’agit pas de stigmatiser le particulier propriétaire d’un immeuble qui, après avoir loué pendant des années les différents appartements, revend le tout pour des raisons personnelles. Il s’agit de dénoncer les sociétés qui achètent des immeubles, les « découpent » en trois ans et les revendent au double du prix d’achat. Elles réalisent donc un bénéfice égal à leur mise de départ, ce qui est indigne.

En tant que politiques, nous devons refuser la spéculation et le congé-vente, et soutenir, par notre action législative, les locataires expulsés par ces pratiques, je le répète, véritablement indignes.

Pour refuser le congé-vente, nous proposons d’étendre la durée du délai de préavis d’expulsion aux repreneurs successifs. En effet, les spéculateurs ont trouvé une astuce pour contourner la loi : ils vendent à la découpe à des sociétés écran qui, ensuite, peuvent expulser les locataires plus rapidement.

En outre, nous voulons soumettre le droit de diviser, c’est-à-dire de vendre par lots, à l’autorisation du maire de la ville concernée.

En conclusion, mes chers collègues, les spéculateurs profitent de la crise du logement, de la même façon que les repreneurs d’entreprise rachetaient naguère les usines à des prix dérisoires pour les vendre par morceaux en engrangeant des profits « monstres ».

Aujourd’hui, comme hier, de tels spéculateurs n’apportent aucune plus-value, aucune richesse à la collectivité. Au contraire, ils amplifient la crise du logement, comme ils amplifiaient la crise de l’emploi.

Mes chers collègues, je vous invite donc à voter les amendements tendant à interdire le congé-vente. Certes, nous pourrions discuter longuement du droit du propriétaire par rapport au droit du locataire. Malgré tout, dans le cadre de cette proposition de loi, il n’y a pas de discussion possible sur la légitimité ou non de la vente à la découpe : il nous faut choisir clairement, concrètement, et sans hésitation le droit au logement contre le droit de spéculer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Discussion d’amendements

L’amendement n° 17 rectifié, présenté par Mme Blandin, M. Desessard, Mmes Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 616 du code de la construction et de l’habitation, sont insérés un chapitre et un article additionnels ainsi rédigés :

« Chapitre … – Permis de diviser

« Article L. … – Toute division d’immeuble à usage d’habitation d’au moins cinq logements est soumise à une autorisation préalable, dénommée permis de diviser. Ce permis de diviser ne sera délivré qu’après examen de la conformité technique, actuelle ou prévisible, de l’immeuble et des lots divisés, avec des normes minimales d’habitabilité. Dans les zones à marché tendu, ce permis de diviser ne sera délivré qu’en tenant compte des engagements souscrits dans un dossier locatif, permettant de garantir la pérennité de situation locative des locataires ou occupants habitant l’immeuble, et de maintenir la fonction locative existante. Un décret en Conseil d’Etat définit les modalités d’application du présent article. »

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l’amendement n° 10.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous l’avons déjà indiqué, la vente à la découpe constitue à nos yeux une atteinte grave aux droits des locataires, et nous considérons que c’est en réalité un véritable détournement de la loi de 1989.

On constate que les dispositifs existants de protection des locataires, notamment l’accord de 1998 étendu par décret, de fait, ne protègent en rien les locataires des agissements des marchands de biens, véritables professionnels du harcèlement, de l’éviction et de la vente forcée.

Et, je le répète, que l’on ne vienne pas nous objecter que nous voulons porter atteinte au droit de propriété ! C’est du droit de spéculer qu’il s’agit ici, et qui plus est, comme l’ont souligné avec moi plusieurs sénateurs, du droit de spéculer abusivement.

M. Desessard a montré à propos de la rue des Arquebusiers, dans le troisième arrondissement de Paris, comment en deux ans le prix avait doublé au profit du fonds d’investissement américain Westbrook : dans ce cas précis, ce sont 150 logements qui sont concernés. Lorsqu’on évoque le droit de propriété, on pense au droit de propriété de chacun ; mais ces fonds de pension achètent 150 logements d’un coup, pour les revendre. Je précise tout de suite que, rue des Arquebusiers, les locataires sont très mobilisés et que, pour l’instant, Westbrook n’est pas parvenu à ses fins. Quand est en jeu une plus-value de l’ordre de 90 % en deux ans sur 150 logements, on est loin du droit de propriété !

En conséquence, nous proposons de donner aux municipalités la possibilité de maintenir la vocation locative des logements et de s’opposer le cas échéant à la vente par lots, en fonction du quartier et du parc locatif.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Béteille, rapporteur. La commission n’est pas favorable à la création d’une nouvelle autorisation administrative portant sur la division d’un immeuble.

Des dispositions existent déjà qui prennent en compte la sécurité et la salubrité des logements. Pour le reste, il nous semble utile – et, nous inspirant d’ailleurs du rapport de la commission présidée par notre collègue M. Braye, nous le proposerons tout à l’heure – que le maire soit informé du projet de division de l’immeuble, de cette mise en copropriété, sans toutefois qu’elle fasse l’objet d’une autorisation administrative, dont les critères de délivrance nous paraissent d’un maniement très malaisé : la « mixité sociale » est une notion qui, jusqu’à présent, n’a pas fait l’objet d’analyses jurisprudentielles qui permettraient de l’utiliser ; de même, le « marché tendu » me semble relever de l’arbitraire.

Par conséquent, l’information du maire et le droit de préemption donné à la commune constituent des mesures suffisantes qui répondent à la nécessité que la commune soit à même d’intervenir.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 17 rectifié. M. Jean Desessard. Je suis heureux de m’exprimer après M. le rapporteur, car ses propos étaient fabuleux !

Sommes-nous maintenant des notaires, des huissiers, ou bien restons-nous des politiques ? Il ne faut pas introduire de mesure administrative supplémentaire, dites-vous. Mais les mesures administratives ne sont que les instruments d’une politique !

Tout le début de notre discussion l’a démontré, la politique que nous voulons, c’est la fin de la spéculation indigne. En refusant toute formalité administrative, que faites-vous, en réalité ? Rien du tout, puisque vous laissez subsister les ventes à la découpe ! Dans vos meetings, dans vos circonscriptions, vous irez proclamer que vous êtes contre la vente à la découpe, alors que, ici, vous vous opposez à toute mesure administrative au motif que cela risquerait de bloquer le processus.

Quel est l’objet des deux amendements que nous examinons ? Instaurer un permis de diviser, c’est-à-dire autoriser ou non la spéculation. Or, qui donne cette autorisation ? Le maire. Voilà qui est directement politique ! Prendre des décisions courageuses pour interdire la spéculation, c’est le rôle du politique, c’est le rôle du maire, c’est le rôle des sénateurs et des sénatrices. Sinon, sous le prétexte d’éviter des complications administratives, nous laisserons faire. C’est comme pour la directive Bolkestein : on déplore, on s’indigne, on clame qu’il ne faut surtout pas continuer sur cette voie-là parce que c’est indigne, mais, à Bruxelles, l’UMP vote gaiement la directive.

C’est une impuissance politique que vous nous révélez, monsieur le rapporteur : sous couvert de la nécessité de ne pas introduire de complication administrative, vous avouez que, politiquement, vous ne faites rien.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur Desessard, je suis désolé de devoir vous rappeler que le respect d’un certain nombre de règles de droit n’est pas secondaire.

M. Marcel-Pierre Cleach. Tout à fait !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La formulation de propositions totalement aléatoires laissant le champ libre à la fantaisie de quelques-uns ne me paraît pas aller dans le sens d’une bonne application de la règle de droit.

Le maire dispose d’un outil bien plus efficace, dès lors qu’il est informé : c’est le droit de préemption, qu’il peut déléguer, je le rappelle, à un office ou à un organisme de logement social.

Ne me dites donc pas, mon cher collègue, que le maire, même s’il a la volonté d’agir, ne dispose pas des outils nécessaires ! Quant à lui demander ou à lui permettre de refuser la vente à la découpe dès lors qu’existe une tension sur les prix ! Ce phénomène frappe l’ensemble de la région Ile-de-France…

M. Jean Desessard. Eh bien, il intervient partout !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Comment définit-on la tension sur les prix ? (M. Jean Desessard s’exclame.) Etes-vous maire, mon cher collègue ?

M. Dominique Braye. Bien sûr que non !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela ne m’étonne pas !

Quoi qu’il en soit, avancer des arguments comme les vôtres pour demander que l’on puisse faire n’importe quoi et n’importe comment…

M. Jean Desessard. Ce n’est pas moi qui fais n’importe quoi, ce sont les spéculateurs !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vous qui proposez des solutions qui ne sont pas les bonnes !

Vous me permettrez de rappeler qu’il appartient à notre Haute Assemblée de conserver des règles de droit fixes pour éviter le règne de la fantaisie totale. Il est aussi de notre devoir de trouver des outils adaptés pour lutter contre certains phénomènes, mais cela ne peut pas consister dans des solutions totalement aléatoires. J’entends déjà les discussions sur la mixité sociale : combien, dans quelles proportions, etc. On constate d’ailleurs que de telles politiques ne suffisent pas toujours à résoudre les problèmes.

La meilleure solution a été indiquée par le ministre : il faut augmenter l’offre, et un certain nombre de phénomènes que nous connaissons, hélas !, diminueront, puis disparaîtront.

N’oubliez jamais que, si les problèmes de Paris sont réels, les franges les plus fragiles de la population vont de plus en plus en grande couronne, ce qui pose d’autres problèmes, notamment de transport. Nous devons donc veiller aussi à ce que certaines grandes collectivités, tout en tenant de grands discours sur le sujet, ne se déchargent pas sur les autres de toutes les difficultés qu’elles rencontrent. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’était la politique de Chirac !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Il faut considérer l’ensemble de la situation.

Nous disposerons de trois outils.

D’abord, l’extension de l’accord, c’est-à-dire l’obligation de reloger dans le secteur et aux conditions antérieures les personnes dont les ressources sont inférieures au plafond pris en compte pour le prêt locatif intermédiaire, le PLI, et celles qui, âgées de plus de soixante-dix ans, ne sont pas soumises à l’impôt de solidarité sur la fortune concerne l’essentiel de la population.

Ensuite, un amendement sénatorial va venir en discussion dans lequel est clairement affiché l’outil de transformation sociale que constitue le droit de préemption. Il clarifiera une fois pour toutes la situation juridique dans ce domaine et fournira à la collectivité un véritable outil d’aménagement social du territoire.

Enfin, la possibilité offerte à un certain nombre de personnes d’acquérir leur logement au prix de la vente en bloc représente véritablement une capacité d’accession à la propriété complémentaire.

L’ensemble de ces outils nous semble permettre de régler fondamentalement la situation. Si tel n’était pas le cas, et si nous devions nous rendre compte que nous nous serions trompés, il n’est pas interdit de revenir devant votre assemblée.

Des règles du jeu parfaitement claires sont préférables à des règles aléatoires, et c’est pour cette raison que nous ne sommes pas favorables à ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Braye, pour explication de vote sur l’amendement n° 10.

M. Dominique Braye. Sans revenir sur les excellents propos du rapporteur, du président de la commission des lois et du ministre, je puis vous rassurer, monsieur Desessard : nous avons eu le même souci que vous, à savoir la protection des locataires.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Bien sûr, en clarifiant le droit de préemption !

M. Dominique Braye. Nous pouvons le faire de deux façons différentes.

On peut, comme vous le proposez, instituer un permis de diviser, ce qui implique une instruction préalable pour toutes les opérations, quelles qu’elles soient. Vous n’êtes pas maire, vous ne connaissez pas le coût, en termes de personnels, de services dont le rôle serait de mener des instructions, qui, dans le cas présent, ne seraient pas toujours justifiées !

Nous proposons donc que le maire soit informé et, le cas échéant, puisse préempter…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas la même chose !

M. Dominique Braye. … pour que la vente aux locataires puisse s’effectuer, précisément, au prix antérieur à la spéculation.

Nous sommes d’accord avec votre analyse sur les spéculateurs, nous sommes d’accord sur le fait qu’il faut éviter ce phénomène, mais nous souhaitons que le maire prenne toutes ses responsabilités et que l’initiative lui revienne. Car c’est bien cela, la légitimité conférée par l’élection : le maire peut, comme vous le demandiez, mener une politique du logement.

Je voudrais ajouter que nous sommes en train de nous focaliser sur le seul problème des locataires. Mais n’oublions pas que, pour qu’il y ait des locataires, il faut des bailleurs, et des bailleurs privés !

Actuellement, et c’est pour moi un souci croissant, tous les bailleurs privés se désengagent des investissements fonciers puisque, manifestement, ils n’y trouvent plus leur intérêt. Or, par vos discours, par vos amendements, vous êtes en train d’institutionnaliser une pénurie de logements privés, alors que ceux-ci représentent la plus grande partie des logements. Etant comme lui un élu de la grande couronne – et Mantes-la-Jolie n’est pas réputée comme étant une zone particulièrement favorisée -, je reprendrai les propos M. Hyest : les plus désemparés, les plus modestes de nos concitoyens ne sont même plus logés dans le secteur social, ils sont dans ce que j’appellerai du « logement social de fait », qui est du logement privé.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !

M. Dominique Braye. Alors, de grâce, mon cher collègue, il ne faut pas, sous prétexte de faire preuve de bonnes intentions, mettre ces personnes, qui sont déjà dans une extrême précarité, dans une précarité plus grande encore : l’étape suivante, c’est la rue ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Monsieur le président de la commission des lois, vous affirmez que, n’étant pas maire, je ne peux pas prendre la parole.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Jean Desessard. Dès lors, n’étant pas agriculteur, je n’interviendrai pas sur l’agriculture, n’étant pas marin, je ne prendrai pas position sur la pêche… A l’inverse, dans 95 % des cas, je pourrais vous rétorquer que vous n’êtes pas un professionnel et que vous ne pouvez donc pas savoir. Ce genre d’arguments n’est pas recevable.

Par ailleurs, comme vous le soulignez, le droit de préemption existe déjà, dépend de services municipaux déjà existants, et l’examen des dossiers demande déjà du temps. Le coût de l’instruction des permis de diviser est donc un argument d’autant moins pertinent que, si les deux procédures coexistent, elles peuvent faire l’objet d’une seule et même visite à l’issue de laquelle il est décidé soit de délivrer un permis de diviser, soit de préempter.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quand on voit l’ampleur des opérations !

M. Jean Desessard. Il nous a été reproché de vouloir faire n’importe quoi. Mais quelle est la réalité, aujourd’hui ? Qui fait n’importe quoi ? Ce sont tout de même les spéculateurs, qui mettent des gens dehors pour pouvoir revendre au double du prix d’achat !

M. Dominique Braye. C’est bien pour cela que nous sommes ici !

M. Jean Desessard. Alors, dotons-nous de tous les outils ! Pourquoi nous limiterions-nous ? Avec la procédure du permis de diviser, le maire qui souhaitera conserver un parc locatif privé pourra interdire la vente à la découpe, pourra interdire à des sociétés américaines, ou françaises, d’ailleurs, de faire un bénéfice de 100 % en deux ans sans rien apporter. C’est de la simple avidité financière !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Voilà !

M. Jean Desessard. Un maire doit tout de même avoir le droit de refuser de telles pratiques spéculatives ! Le permis de diviser lui en donnait la possibilité, vous l’en privez.

Nous en rediscuterons dans un an ou un an et demi, comme sans doute de bien d’autres points ! Et vous aurez d’ici là constaté que la loi telle que vous voulez l’adopter ne permettra pas de lutter contre la spéculation financière.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais ils ne veulent pas lutter contre la spéculation financière !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 10.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 17 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Conclusion : explication de vote sur l’ensemble

M. Jean Desessard. Si l’objectif de la loi est la protection des locataires, il faut lutter contre la spéculation honteuse qui accompagne les ventes à la découpe et, pour ce faire, interdire les congés-vente.

Certes, un droit de préemption est ouvert aux maires. Mais, monsieur Braye, à vous qui m’avez tout à l’heure invité à rêver ensemble, je ferai une proposition : dans un an, nous ferons le compte des maires qui auront usé du droit de préemption.

M. Dominique Braye. Pari tenu !

M. Jean Desessard. Je pense qu’alors nous serons d’accord pour revoir le dispositif.

M. Dominique Braye. Vous accusez les maires de ne pas prendre en compte les intérêts de leurs concitoyens ?

M. Jean Desessard. Je pense qu’ils vont hésiter, ils allégueront le manque de moyens financiers ou la difficulté de la procédure… Certes, quelques maires useront bien de ce droit, mais, pour toutes sortes de raisons, le dispositif ne fonctionnera pas.

Il aurait tout de même été plus simple de soumettre à l’autorisation des maires la division des immeubles ! Un propriétaire souhaitant vendre à la découpe aurait été obligé de présenter son projet au maire, lequel aurait pu le refuser. Les maires disposeraient ainsi d’un outil supplémentaire. Si l’on veut vraiment interdire le congé-vente, qui s’accompagne d’une spéculation anormale et indigne, que l’on s’en donne les moyens ! Or l’amendement tendant à introduire un permis de diviser les immeubles n’a pas été adopté.

Bref, je ne pense pas que ce texte soit de nature à infléchir la tendance actuelle. Dans un an, nous ferons ensemble le compte des ventes à la découpe qui auront eu lieu après l’entrée en vigueur de la loi, à partir de sa parution au Journal officiel, et nous verrons bien !

En tout cas, les sénateurs et sénatrices verts très réservés quant à l’efficacité de cette proposition de loi, voteront contre.