Projet de loi relatif aux parcs nationaux et aux parcs naturels marins – Discours

Madame la Ministre, Monsieur le Président, mes chers collègues,

Le travail législatif de ce gouvernement n’est qu’un éternel recommencement… Et je me vois de nouveau contraint de constater la fébrilité, la timidité de ce projet de loi qui fait de la protection de l’environnement à la carte.

Que la loi de 1960 ait besoin d’être toilettée me semble une évidence, mes collègues avant moi l’ont suffisamment martelé. Et l’on ne peut que saluer au passage le travail formidable qui a été fait durant toutes ces années dans nos sept parcs nationaux.

Nous voici donc avec pour tâche d’accompagner nos parcs existants dans le XXIe siècle et d’en créer de nouveaux, dans le cadre de conventions internationales comme la Convention de Rio en 1992 sur la diversité biologique, et sous l’œil attentif, et inquiet, de l’UICN .

« Protéger la nature, c’est protéger l’homme » avez-vous déclaré à l’Assemblée Madame la Ministre. Belle déclaration écologiste qui conviendrait très bien à notre projet global de société. Pourtant, dans ce projet de loi, je vois surtout la protection des intérêts économiques et de quelques lobbies. D’autant que je vous rappelle que malgré toutes vos déclarations, que je crois sincères, les crédits du programme 153 « Gestion des milieux et de la biodiversité », sont en baisse de 7%.

Mais ce qui m’inquiète le plus, dans ce projet de loi, c’est le désengagement de l’Etat au profit des collectivités locales. Le terme de « profit » est d’ailleurs tout sauf adéquat puisque les moyens manquent cruellement, comme d’habitude. Or ce désengagement risque d’induire une grande disparité dans la gestion des parcs, sans compter que les alternances politiques en altéreront la pérennité.

Je parlais tout à l’heure de protection à la carte, de préservation en option : les communes choisissent d’adhérer ou pas créant ainsi un mitage de la zone périphérique, brisant la continuité géographique et écologique mais tout en se prévalant de la proximité de cet espace naturel.

L’implication des élus locaux, des acteurs socio-économiques, des associations, est une bonne chose. Mais n’oublions pas que les parcs nationaux n’ont rien à voir avec les parcs régionaux. Ce sont des enjeux internationaux de protection de la biodiversité dont les normes très spécifiques peuvent dépasser les intérêts locaux. A vouloir introduire trop d’exceptions locales c’est l’essence même du concept qui perd de sa justification.

Il ne faut pas confondre un parc naturel avec un parc d’attractions environnementales. Ni Futuroscope, ni Vulcania, ni Puy du Fou, les parcs nationaux sont avant tout des instruments juridiques destinés à protéger la faune et la flore. Lorsque le tourisme envahit les espaces protégés, les arguments économiques font craindre le pire. Il est bien évident qu’en France, nous ne sommes pas dans le cas d’une nature quasiment vierge comme pour les grands parcs américains, mais dans une construction de paysages par interaction entre l’homme et son milieu. Néanmoins, cet élément ne doit pas prendre le pas, dans ces espaces protégés, sur la vocation première de conservation de la biodiversité.

Par-dessus tout, permettez-moi de m’inquiéter des nombreux flous concernant ici des travaux, là des installations touristiques dites « légères », et des dérogations attribuées aux résidents permanents laissées à une appréciation ultérieure. Quant à la réglementation de la pêche et de la circulation en mer, elle peut figurer dans la charte… elle « peut »… Il est donc possible d’exercer une activité commerciale dans une zone protégée.

A l’Assemblée, mon collègue Yves Cochet s’est fait traiter de « parisien ». Il est toujours facile de prétendre que le citadin n’entend rien aux réalités et qu’à ce titre on peut permettre le bétonnage, la déforestation, le pillage des ressources. Mais j’attire votre attention sur le fait que ce sont précisément les ruraux qui pâtissent les premiers de la perte de biodiversité. D’autant que les profits économiques retirés de l’exploitation ou de la destruction des ressources naturelles leur reviennent rarement.

Il ne s’agit pas de créer des parcs adossés à des communes avec lesquelles ils n’auraient aucun lien. Il ne s’agit pas de déposséder les habitants de leur patrimoine que constituent le biotope, les paysages, les pratiques ancestrales en lien avec le milieu. Il s’agit de s’assurer que l’espace déterminé sera préservé de toute atteinte. L’Etat n’a pas à se désengager de cette mission.

Les parcs nationaux ont été créés pour protéger la beauté de notre flore et de notre faune. C’est maintenant à une urgence scientifique qu’ils doivent répondre. Or l’axe principal qui sous-tend ce projet de loi est économique. La volonté scientifique, les mesures phares que l’on attendrait pour une politique innovante de préservation de la biodiversité ne sont pas au rendez-vous. Les standards internationaux de la protection s’apprêtent à revoir à la baisse notre niveau de classement. En Guyane, nous nous préoccupons de savoir qui va gérer les retombées financières des ressources génétiques du parc. Nous sommes loin, Madame la Ministre (je vous cite), « d’une vision généreuse de combat pour la sauvegarde de la nature ».

Madame la Ministre, Monsieur le Président, mes chers collègues, je vous remercie.