Soins psychiatriques sous contraintes : explication de vote

Ci-dessous, le verbatim de l’explication de vote de Jean Desessard sur l’ensemble du texte.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme le recommandait le Conseil national consultatif des droits de l’homme, l’option la plus sage, j’en reste convaincu, aurait été d’adopter une loi composée d’un article unique prenant en compte l’avis du Conseil constitutionnel, c’est-à-dire visant l’instauration d’un contrôle juridictionnel du maintien de l’hospitalisation sans consentement.

La nécessaire réforme de la psychiatrie aurait pu avoir lieu dans un second temps.

Réformer les conditions d’accueil et de soins des 1 700 000 personnes prises en charge chaque année doit se faire de façon démocratique, en veillant à allouer suffisamment de moyens au secteur – nous en avons beaucoup parlé – et en répondant aux attentes des professionnels, des patients et de leur entourage. D’ailleurs, cela aurait pu être fait dans le cadre de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite « loi HPST ».

Revenons-en au projet de loi qui nous est proposé. Il ne prévoit aucune prévention, aucune approche sociale, aucun moyen – ce qui rendra, d’ailleurs, bon nombre de dispositions inapplicables –, aucune consultation des acteurs concernés ; il institue une méfiance généralisée.

Le Gouvernement prétend s’appuyer sur trois piliers : la santé, la sécurité et la liberté.

Je n’y vois, pour ma part, qu’une obsession sécuritaire, que de la méfiance envers les malades.

Avec ce texte, le Gouvernement joue la confusion des genres. Je rappelle que le préfet n’est pas un médecin et que le personnel soignant n’a pas à jouer le rôle des forces de l’ordre. Quant au juge des libertés et de la détention, on aurait pu imaginer son rôle plus étendu.

Ce projet de loi illustre une fois de plus la volonté de museler les contre-pouvoirs, qu’ils soient médicaux ou judiciaires.

En une phrase, je vous signifie ma grande inquiétude : la psychiatrie ne doit pas devenir la « fliquiatrie ».

Mais pourquoi craindre à ce point les malades mentaux ?

En 2006, Nicolas Sarkozy déclarait : « Les droits de l’homme, pour moi, ce sont avant tout les droits de la victime ». Cela signifie qu’il faut considérer les malades mentaux comme des victimes et non pas comme des coupables potentiels.

Ce projet de loi est fondé, lui, sur une vision erronée des troubles psychiques. Les personnes qui sont atteintes de tels troubles n’enfreignent pas plus la loi que le reste de la population. Elles sont au contraire quinze fois plus souvent victimes de délits que les autres.

À l’issue de l’examen de ce texte et après un imbroglio qui prouve à quel point ce dossier est mal préparé, où en sommes-nous ?

Monsieur le rapporteur, madame la secrétaire d’État, les aménagements que vous avez apportés sont purement cosmétiques.

Alors que le protocole de soins est une méthode dangereuse, trop rigide pour le médecin et niant toute confiance possible entre le soignant et la personne qui est soignée, vous nous proposez un « programme de soins ». C’est une avancée, mais au vu de ce texte, y a-t-il une différence fondamentale entre les deux méthodes ?

Concernant la visio-audience, je ne vois aucune avancée probante non plus, puisque cette possibilité reste ouverte, malgré des réticences largement partagées sur les travées de cet hémicycle.

Enfin, la nouvelle formulation « soins psychiatriques auxquels [le patient] n’est pas à même de consentir du fait de ses troubles mentaux » se passe de commentaires.

Cela a été dit, le risque de ce texte, en attisant les inquiétudes, est que les médecins, par lassitude, par manque de moyens et craignant de ne pas être soutenus, succombent à la facilité et en viennent à administrer des soins sans le consentement du patient, plutôt que de prendre le temps d’établir une relation de confiance avec lui pour le convaincre qu’il a besoin d’être soigné.

À long terme, si les patients redoutent d’être soumis à des soins obligatoires, ne vont-ils pas devenir méfiants et finir par éviter de consulter les psychiatres ?

Pas de prévention, pas de confiance : l’état de santé psychique de nos concitoyens ne pourra qu’empirer. Nous courons le danger de faire un bond de deux cents ans en arrière et de retourner à la France d’avant Pinel !

C’est pourquoi les sénatrices et sénateurs écologistes voteront contre ce texte.

Nous espérons que, d’ici à la deuxième lecture, la majorité ne restera pas impassible face à la colère des professionnels de la psychiatrie et des magistrats. (M. Guy Fischer applaudit.)