Bioéthique : deuxième lecture au Sénat

Le Sénat examine en deuxième lecture le projet de loi sur la bioéthique.

Ci-dessous le verbatim de l’intervention de Jean Desessard.

Monsieur le Président, Madame la Ministre, Monsieur le Rapporteur, che-r-es collègues,

Les écologistes étaient relativement satisfaits du texte tel qu’adopté par le Sénat en première lecture : nous tenions en effet particulièrement à mettre un terme à l’hypocrisie des dérogations de recherche sur les embryons et les cellules-souches, et nous nous sommes réjoui-e-s de la mise en place d’un encadrement éthique, ainsi que de l’ouverture de l’accès à l’assistance médicale à la procréation pour les couples de femmes.

Et puis, nos collègues de l’Assemblée Nationale ont joué à la perfection la partition qu’on leur a fournie.

Non contents de supprimer l’autorisation de la recherche et un élargissement de l’accès à l’AMP, les députés ont également supprimé la clause de révision des lois de bioéthique, ainsi que l’article prévoyant la déclaration d’intérêts des membres du conseil d’orientation et des experts intervenant auprès de l’Agence de Biomédecine !

tout cela sous le regard bienveillant du Gouvernement ! La majorité est décidément fâchée avec la prévention des conflits d’intérêts.

Il faut dire que les scandales ont tendance à se banaliser. Si on se cantonne au domaine de la santé, la seule affaire du Mediator est déjà éloquente.

Et si le Président de la République est assez préoccupé par la prévention des conflits d’intérêts dans le domaine judiciaire, il ne l’est pas tant en ce qui concerne la recherche et la santé.

C’est pourquoi je rappelle avec fermeté que les écologistes sont pour « une nouvelle déontologie de la vie publique » qui concerne notamment les acteurs de la de santé et de la recherche thérapeutique, là où les liaisons entre les laboratoires privés et les agences sont parfois dangereuses.

Nous connaissons le pouvoir de l’Agence de Biomédecine et de ses experts qui font autorité dans des disciplines comme la transplantation d’organes, la gynécologie, la génétique, l’hématologie, etc. Ce ne sont pas des domaines anodins : cela concerne nos vies et nos corps. Le Conseil d’Orientation de l’Agence de Biomédecine est doté du pouvoir de décider des recherches menées dans des domaines sensibles comme celles du cordon ombilical ou des cellules souches embryonnaires.

C’est pourquoi le Sénat souhaitait renforcer l’indépendance des experts de l’Agence de Biomédecine, mais vous, Madame la Ministre vous avez rétorqué en séance à l’Assemblée Nationale, – je cite – « Le sujet des conflits d’intérêt est largement abordé au cours des Assises des médicaments ».

Comme si le débat sur les conflits d’intérêts n’avait pas lieu d’être pendant l’examen du projet de loi relatif à la bioéthique.

Madame la Ministre, lors du débat sur la psychiatrie, où je vous avais interpellée sur le manque de moyens pour le secteur ; vous aviez argué que cela serait traité lors « d’un grand plan pour la santé mentale ».

Une remarque, Madame la Ministre : les assises et les « grands plans » ne sont pas le lieu pour faire la loi. La loi, elle s’écrit ici, avec les parlementaires.

A quoi bon laisser de côté la représentation nationale ? Cela rend-il les mesures plus adaptées ?

Prenons par exemple le plan national de développement des soins palliatifs. Sur le terrain, on relève une insuffisance de moyens de fonctionnement, des inégalités territoriales et finalement, une situation qui ne s’améliore guère, et ne donne pas satisfaction à nos concitoyens, pour qui il reste toujours très difficile d’accéder à des soins palliatifs.

Je ne dis pas que la situation serait forcément meilleure si les parlementaires étaient davantage impliqués, mais je doute qu’un minimum de contrôle démocratique par la représentation nationale soit néfaste.

Et de façon générale, si le Gouvernement préfère prendre ses décisions sans nous, alors à quoi bon débattre ?

Fort heureusement, en ce qui concerne la prévention des conflits d’intérêt à l’Agence de Biomédecine, la Commission des Affaires sociales au Sénat a préféré revenir à la version adoptée en première lecture.

D’ailleurs, la Commission a rétabli de nombreuses dispositions que nous avions adoptées en première lecture, y compris en ce qui concerne l’autorisation de la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Je m’en félicite.

Néanmoins, les Sénatrices et Sénateur Europe Ecologie – Les Verts seront mobilisés sur des sujets qui restent en suspens.

Notamment la possibilité pour les couples de femmes de recourir à l’aide médicale à procréation et la reconnaissance en droit français des enfants issus d’une GPA à l’étranger. Enfin, je souhaite vivement que nous autorisions enfin les hommes homosexuels à accomplir cet acte citoyen qu’est le don de sang, en rompant avec une discrimination qui n’a plus lieu d’être.

J’espère que nous saurons garder la tête froide lors de nos débats, et que nous retrouverons la sagesse qui a guidé nos travaux en première lecture, afin de parvenir à un texte novateur, progressiste, en adéquation avec notre temps.

Merci de votre attention.