Intervention en séance de Jean Desessard sur les conclusions de la Commission mixte paritaire concernant projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale – 27 février 2014

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous y voilà !  Après un débat auquel nous avons consacré plusieurs heures, je puis dire que je suis satisfait. J’imagine que vous savez pourquoi, monsieur le rapporteur !

En effet, les conclusions de la commission mixte paritaire maintiennent la suppression de l’article 20, l’article du projet de loi qui nous posait le plus problème. Nous vous en remercions, monsieur le rapporteur. Vous avez d’ailleurs indiqué vouloir faire preuve de pédagogie sur le sujet auprès des personnes concernées et auprès de vos collègues. Cela vous sera plus que nécessaire, du moins si vous voulez me prouver que le projet de loi, dans sa rédaction initiale, ne portait pas atteinte à l’indépendance des inspecteurs du travail !

En tout état de cause, nous notons avec satisfaction le report de cette réforme. Cette décision, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, est intelligente : elle libère les membres du groupe écologiste, qui peuvent désormais apprécier à leur pleine mesure les articles sur la formation professionnelle et la démocratie sociale.

Vous l’avez souligné, monsieur le ministre, ces dispositions du projet de loi bénéficiaient, dans cet hémicycle, d’un a priori plutôt positif. Dès lors, pourquoi maintenir l’article relatif à l’inspection du travail, alors que le Sénat était prêt au consensus sur les autres mesures ?

S’agissant de la partie formation professionnelle, le texte prévoit une avancée majeure : la création du compte personnel de formation, qui sera directement relié au salarié, dès le début de sa carrière. Le salarié le conservera donc, quelle que soit sa situation professionnelle.

Cette mesure constitue une amélioration notable par rapport au droit individuel à la formation, qui ne pouvait être mobilisé qu’au bout d’un an d’ancienneté, selon le bon vouloir de l’employeur. En outre, sa portabilité entre deux emplois était problématique.

Le CPF est donc une première étape importante, un changement de logique dans le rapport des salariés à la formation. Il permet de faire un pas vers la constitution d’un droit universel à la formation universelle tout au long de la vie.

Au cours de nos échanges sur la création de ce compte, nous avons beaucoup débattu des volumes horaires. Nous avons milité pour des abondements supplémentaires, visant à tenir compte des emplois précaires, des personnes handicapées et des salariés à temps partiel, et présenté des amendements sur ce sujet. Vous avez, monsieur le ministre, répondu à cet impératif de manière à la fois habile et pédagogique, en affirmant que le plafond institué par la loi était en réalité un « plafond socle » et qu’un abondement supplémentaire était possible pour ces publics.

On le sait bien, tous les salariés ne travaillent pas en CDI, ou ne gardent pas le même emploi au cours de leur vie active. Il fallait donc trouver un moyen de tenir compte de la précarité, du temps partiel, du chômage. Il me semble que le système que vous nous avez proposé, monsieur le ministre, répond à cette exigence : si le CPF et son abondement répondent d’abord à une logique assurantielle – plus le salarié travaille, plus il acquiert des droits –, ils tiennent compte de la précarité, du temps partiel, et du temps passé au chômage, qui, dans notre société actuelle, peut être assez long.

Par ailleurs, nous nous réjouissons que les droits soient désormais ouverts à des publics supplémentaires, tels que les intermittents du spectacle, les travailleurs des établissements et services d’aide par le travail et, bientôt, après négociation avec les partenaires sociaux, les salariés des trois fonctions publiques.

Nous avions été alertés par l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA, au sujet du service public de la formation professionnelle. Nous avons défendu la sécurisation des biens immobiliers de l’Association, qui a été rendue possible par l’adoption d’un amendement déposé par M. le rapporteur.

La région est le bon échelon pour mener des politiques de formation au plus près des territoires. Le projet de loi confie d’ailleurs aux régions de nouveaux publics – détenus, handicapés, Français établis hors de France – et de nouvelles compétences, comme le service public régional de la formation professionnelle et de l’orientation. Ce renforcement des compétences doit s’accompagner, évidemment, monsieur le ministre, des moyens financiers adaptés. Le deuxième volet de la réforme de la décentralisation et la prochaine loi de finances seront importants à cet égard.

Si la région est un opérateur adapté, l’échelon national ne doit pas être négligé. À ce titre, le Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles, le CNEFOP, permet de prendre en compte la dimension prospective du sujet. Il est important, en effet, qu’existe une vision nationale des nouveaux métiers, des métiers de demain. Dès lors, si la région est le bon échelon pour agir, elle doit profiter d’un éclairage national, qui lui indique les formations professionnelles qui seront nécessaires demain.

La formation professionnelle devant aussi être un levier pour la transition écologique, nous avions fait des propositions en ce sens. Plusieurs amendements écologistes ont été adoptés – à l’Assemblée nationale plus qu’au Sénat, d’ailleurs –, visant notamment à ce que le contrat de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelles tienne compte de l’émergence des métiers de la transition énergétique, et à ce que l’observatoire prospectif des métiers et des qualifications leur porte une attention particulière.

Concernant la démocratie sociale, le texte a subi une évolution positive durant le débat parlementaire. L’Assemblée nationale a en effet intégré au texte la représentativité des acteurs dits du « hors champ », c’est-à-dire ceux des secteurs de l’économie sociale et solidaire, de l’agriculture ou des professions libérales, qui bénéficient désormais d’un rôle accru dans les négociations sociales.

En conclusion, nous estimons que le texte de la CMP sort grandi de la suppression de l’article polémique sur l’inspection du travail. Il se concentre sur les avancées réelles que sont le CPF, le rôle accru des régions et l’amélioration du dialogue social par une meilleure représentativité des partenaires sociaux. C’est pourquoi l’ensemble des membres du groupe écologiste votera en faveur de ce texte.

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