Budget de l’écologie 2005 : Intervention de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, malgré les déclarations fracassantes du président de la République, il faut admettre que l’écologie ne semble pas au coeur des priorités du Gouvernement !

Mme Nelly Olin, ministre. Oh !

M. Jean Desessard. Trois ministres se sont succédé. M. Serge Lepeltier, votre prédécesseur, madame la ministre, a jeté l’éponge en se plaignant d’être totalement marginalisé, non seulement dans les arbitrages interministériels, mais également par rapport aux services de l’État, hostiles aux problématiques écologistes. L’analyse du budget 2005 de la mission « Écologie et développement durable » atteste, une fois de plus, de cette marginalisation de l’écologie en actes et en chiffres.

Je me concentrerai ici sur les coupes budgétaires effectuées au détriment de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, qui a été créée par la gauche et qui fut, un temps, présidée par un ami écologiste, Pierre Radanne.

Or 2005 a été une année noire pour le ministère de l’écologie en général, qui a subi deux gels de crédits, et pour l’ADEME en particulier. Au total, les crédits de paiement de l’Agence, qui s’établissaient à 426 millions d’euros en 2003, ont touché le fond en 2005, en s’élevant – ou plutôt en s’abaissant ! – à 271 millions. Quant aux crédits d’intervention, ils ont diminué de 20 %, puisqu’ils s’élevaient à 162 millions d’euros en 2005 contre 202 millions d’euros en 2004. Or, comme le soulignait Serge Lepeltier lui-même, l’Agence devait faire face en 2005 à des engagements pris pour un montant de plus de 300 millions d’euros. Fabienne Keller, dans son rapport spécial sur la loi de finances pour 2006, montre que l’équation budgétaire devient impossible : « Fin 2005, l’ADEME indiquait atteindre un déficit cumulé de crédits de paiement de 74,7 millions d’euros. Le déficit de crédits de paiement au titre de l’exercice 2006 représenterait environ 28,3 millions d’euros, cette situation conduisant l’ADEME à définir des niveaux de priorité de paiement ».

En valeur absolue, ces diminutions de crédits semblent minimes, comme tous les crédits du développement durable, fantaisistes comme l’a dit tout à l’heure un collègue. Hélas, c’est vrai ! Mais des filières comme celle des énergies renouvelables, par exemple, en dépendent grandement et, avec elles, les milliers d’emplois qui pourraient en découler, ces emplois de la reconversion énergétique de la France, sacrifiés pour consacrer des sommes folles à la relance du nucléaire ou à la baisse des impôts des classes les plus favorisées.

Mme Nelly Olin, ministre. Oh !

M. Jean Desessard. Mais je m’éloigne du sujet… En tant qu’écologiste, je suis bien triste de voir le ministère de l’écologie endetté à ce point-là de près de 480 millions d’euros à la fin de 2004, dont 338 millions pour l’ADEME. La maison brûle et l’on n’a pas assez d’argent pour payer la facture d’eau ! Je suis bien triste de voir la France tenter d’utiliser les impôts pour payer les amendes de l’Union européenne plutôt que de transposer rapidement les directives européennes environnementales, comme vous l’avez signalé, madame la ministre, et je suis donc bien triste d’en être réduit à vous poser la question suivante : face à son déficit de crédits, quelles ont été les priorités de l’ADEME et quels ont été les programmes sacrifiés ? Malgré l’intervention de deux collègues, je n’ai pas eu de réponse sur ce dernier point.

Mme Nelly Olin, ministre. Il n’y a pas de programmes sacrifiés !

M. le président. La parole est à Mme la ministre. Mme Nelly Olin, ministre. Monsieur le sénateur, je ne me sens absolument pas marginalisée, et je n’ai pas non plus l’intention de marginaliser la politique de l’écologie et du développement durable.

Depuis 2002, la situation financière du ministère de l’écologie et du développement durable s’est largement améliorée. Celle de l’ADEME résulte des engagements qui avaient été non gagés par des crédits de paiement à l’époque où – je suis désolée de vous le dire, monsieur le sénateur – vous étiez aux affaires. Depuis 2002, nous nous employons donc à redresser cette situation.

Aujourd’hui, l’ADEME disposera de financements pérennes, ce qui lui permettra de mettre en place les programmes qu’elle souhaite. Toutefois, quelle que soit la nature des difficultés qu’elle ait rencontrées, je tiens à dire qu’aucun programme n’a été sacrifié.

Vous prétendez, monsieur le sénateur, qu’il y a un décalage de 74 millions par rapport au budget de 2006. Heureusement, il ne s’agit en l’occurrence que de 40 millions d’euros. Quand on annonce des chiffres, autant qu’ils soient bons !

M. Jean Desessard. M. Murat a avancé le même chiffre !

Mme Nelly Olin, ministre. Je vous donne rendez-vous pour le budget de 2007, monsieur le sénateur. Je puis vous assurer que l’écologie est l’une des préoccupations du Gouvernement. Chacun a une sensibilité en la matière, même s’il n’est pas aussi écologiste que vous ! L’écologie n’est ni de droite ni de gauche ; elle concerne tout le monde et vise surtout à défendre notre planète et à assurer l’avenir des générations futures. Chacun se mobilise en fonction de ses moyens et de ses convictions. Ne faisons surtout pas de surenchère sur cette question. Il faut vraiment agir sur le terrain, et c’est, pour ma part, ce que je m’efforce de faire. (Bravo ! sur les travées de l’UMP.)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Madame la ministre, je le répète, j’ai cité les mêmes chiffres que l’un de mes collègues qui siège sur les travées de droite. Cela prouve donc qu’il y a un problème d’information et de transparence. À vous écouter, on dirait, madame la ministre, qu’il faut remettre beaucoup d’ordre au sein du ministère de l’écologie et du développement durable !

Mme Nelly Olin, ministre. Eh oui ! Depuis que vous l’avez quitté !

M. Jean Desessard. Chaque fois que vous parlez d’une mesure, vous invoquez la cohérence ! Vous mettez en place une police de l’eau parce qu’il y en avait sept ou huit ; vous voulez mettre en oeuvre un plan parce qu’il n’y en a pas ! Aujourd’hui, vous mettez de l’ordre : ce n’est pas une politique de l’écologie !

Je vous l’accorde, nous avons tous une conscience écologiste, même si certains l’oublient quelquefois. Le problème est qu’il faut avoir une politique écologiste. Et c’est pour cette raison que les Verts sont un parti politique. Si tous les partis politiques avaient une politique écologiste, nous n’aurions pas besoin d’exister. Or, eu égard aux chiffres, vos actes ne témoignent pas d’une telle politique, madame la ministre ! Pourtant, comme tous mes collègues l’ont souligné, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, il est urgent de mettre en place une véritable politique écologiste.

En effet, Pierre Radanne, ex-président de L’ADEME, déplore le fait que les capacités de trésorerie de l’Agence soient trop faibles. Il explique clairement que certains programmes sont particulièrement sacrifiés, comme la politique des déchets.

Mme Nelly Olin, ministre. Oh !

M. Jean Desessard. Toutes les actions sont finalement « rationalisées », paralysées. Tous les moyens sont bons pour faire des économies. L’ADEME veille, par exemple, à ne pas faire trop de publicité…

Mme Nelly Olin, ministre. Oh !

M. Jean Desessard. …pour ses opérations de soutien aux énergies renouvelables, de peur d’être débordée par les demandes qu’elle serait incapable de satisfaire. Vous allez me répondre, madame la ministre, qu’une partie du financement de l’ADEME sera désormais garantie par une taxe sur le gaz affectée. Certes, c’est mieux que rien, mais je crains que le financement de l’ADEME ne soit débudgétisé, ce qui n’est pas très démocratique, le Parlement étant un peu mis à l’écart de l’arbitrage budgétaire.