Intervention de Jean Desessard sur le Registre International Français RIF

En collaboration avec Dominique Voynet

M. DESESSARD. – La France ne peut se résigner au déclin de son pavillon national et à la disparition de sa flotte de marine marchande. Entre 1970 et 2005, elle est passée de la quatrième place mondiale à la vingt- neuvième.

Cette proposition de loi devrait simplifier les règles et rendre notre pavillon plus attrayant. Mais elle se contente de proposer une sorte de « pavillon de complaisance », en favorisant l’emploi de marins recrutés hors Union européenne. Or, le déclin du pavillon français est lié à l’essor de ces pavillons de complaisance, enregistrés sous des régimes fiscalement favorables et dégagés de toute obligation quant au statut des équipages.

Après la soumission économique, la soumission politique ! Ce vrai-faux pavillon de complaisance est un exemple de soumission à la mondialisation néolibérale.

Seuls le capitaine et l’officier chargé de sa suppléance devraient être français. La présence minimale de navigants de l’Union européenne à bord des navires battant pavillon R.I.F. a été fixée à 25 % s’ils n’ont pas d’aides fiscales, et à 35 % dans le cas contraire. La présence de navigants sera calculée sur la « fiche d’effectif » et non sur le nombre de marins réellement embarqués.

Vous voulez satisfaire les armateurs. Il faudra continuer et montrer que ce système est rentable. Cela n’ira donc pas forcément dans le sens auquel vous pensez.

Pourquoi les armateurs se refuseraient à embaucher des étrangers au moindre coût social. Il deviendra de plus en plus difficile de trouver des marins dans notre pays. Le secteur est d’ailleurs aujourd’hui largement désaffecté !

Par ailleurs, cette proposition de loi contrevient au principe de non discrimination entre travailleurs ressortissants de l’Union. Certains marins relèveront des normes françaises, d’autres resteront soumis au droit de leur pays d’origine.

De même, il existe un risque important de discrimination à l’égard des marins extra- communautaires.

Leur situation sera régie par des contrats de travail relevant de la loi choisie par les parties, sans précision de la convention collective applicable.

Ces navigants seront soumis au droit de leur pays d’origine ou au droit du pays d’établissement de la société de travail maritime par laquelle ils sont entrés en lien avec l’armateur.

La recherche de la compétitivité ne peut en aucun cas légitimer une telle différenciation de traitement entre les marins à bord d’un même bateau arborant le pavillon français.

En outre, la possibilité pour les armateurs de recourir à des entreprises de travail maritime, dites « société de manning » est dangereuse eu égard à la protection sociale des marins. La France légalise ainsi l’embauche des marins par des sociétés de « marchands d’hommes » y compris et surtout les sociétés off shore, dont l’activité n’est pas contrôlable par l’État du pavillon. Par ailleurs le fait que la société soit agréée dans l’État où elle est établie ne change rien puisque aucune condition nécessaire d’agrément n’a été prévue par le texte. Ce « dumping social » même s’il est pratiqué par certains États membres de l’Union européenne, me paraît tout à fait scandaleux et les marins méritent d’être efficacement protégés.

Par conséquent, faute d’inventer des instruments de régulation pour atténuer les effets de la mondialisation, on tire vers le bas la rémunération des salariés.

Puisque vous avez cité M. Allègre, laissez- moi citer M. Couaneau, député U.M.P. D’après lui, la flotte française ne doit pas, pour des raisons purement financières, sacrifier son atout majeur : la qualité de son encadrement et de ses équipages.

On ne peut pas approuver ce texte qui porte atteinte à la dignité des marins en voulant se passer de leurs compétences. Je demande donc la suppression de l’article premier.

M. de Richemont a parlé de créer un registre européen.

M. DE RICHEMONT. – Je n’ai pas dit cela. J’ai dit que la somme des registres internationaux constituait le registre européen.

M. DESESSARD. – L’harmonisation européenne ne doit pas conduire à s’aligner sur la concurrence, mais à consacrer des garanties sociales. Si l’Europe s’organisait non seulement au niveau économique, mais aussi au niveau social, elle serait très forte.