Projet de loi Energie (GDF-Suez) – Un référendum sur la sortie du nucléaire ?

M. LE PRÉSIDENT. – Amendement n° 193 rectifié, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene- Thiery et Voynet.Avant l’article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Le Parlement propose la tenue d’un référendum en 2009 portant sur l’abandon du recours à l’énergie nucléaire en France. Jusqu’à cette date un moratoire est décidé sur la construction de tout nouveau réacteur.

M. DESESSARD. – Avec les Verts, 81 % des Français considèrent le nucléaire comme une énergie à risques.

Mme BORVO COHEN-SEAT. – Ça, c’est sûr.

M. DESESSARD. – Le « collectif national pour un rassemblement antilibéral » vient d’inscrire dans son programme une proposition de référendum sur la question. Le dogme du tout-nucléaire semble donc discuté au sein des formations de gauche. C’est une bonne nouvelle pour les Verts, qui souhaitent un vaste débat.

Il semble tout à fait illégitime de poursuivre une aventure technologique aussi périlleuse sans le consentement des citoyens. D’après le même sondage, 80 % des personnes interrogées étaient favorables à un référendum.

L’énergie nucléaire ne constitue pas une solution d’avenir puisque les réserves d’uranium sont estimées à moins d’un siècle et que cette énergie, au lieu de favoriser les indispensables sobriété et efficacité énergétiques, est une source de gaspillage énorme, à la fois dans les tours de refroidissement et dans les lignes à haute tension. Cette technologie pousse à une illusoire fuite en avant de consommation énergétique. Elle est par ailleurs dangereuse avec les risques d’accidents, la vulnérabilité à des attaques terroristes, les risques de pollution par rayonnement, l’augmentation de température des cours d’eau, les limites d’utilisation en cas de canicule et, surtout, le problème non résolu du traitement des déchets qui fait peser un lourd fardeau sur les générations futures.

Enfin, les Verts soulignent le coût exorbitant de la technologie nucléaire – 3 milliards d’euros pour un réacteur nucléaire E.P.R. -, la non prise en compte du coût de démantèlement des centrales – environ 10 milliards d’euros pour chacun des 58 réacteurs existants – ainsi que le fait que cette technologie est beaucoup moins créatrice d’emplois pérennes que les filières de la maîtrise de l’énergie et des énergies renouvelables. L’État doit tourner le dos à cette technologie onéreuse, dangereuse et irresponsable, qui va à l’encontre du développement durable, et s’orienter vers le développement des filières sobriété/efficacité énergétiques et énergies renouvelables.

M. LE PRÉSIDENT. – Amendement n° 194, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.Avant l’article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

À partir de 2009, la France abandonnera progressivement le recours à l’énergie nucléaire, à moins que, avant cette date, un référendum sur ce sujet exprime la préférence des Français pour l’énergie nucléaire.

M. DESESSARD. – Il est défendu.

M. PONIATOWSKI, rapporteur. – Lors de la dernière session parlementaire, nous avons longuement discuté de l’opportunité de l’option nucléaire au moment des débats sur la loi « transparence et sécurité nucléaire » et de la loi « déchets ». Je connais vos positions en la matière, mais laissez-moi vous rappeler que le nucléaire est exploité, en France, dans d’excellentes conditions de sûreté et de sécurité. Surtout il nous permet de bénéficier d’une des électricités les moins chères d’Europe et d’être le pays de l’Union qui émet le moins de gaz à effet de serre rapporté au volume de production électrique ou au nombre d’habitants.

Aussi la majorité soutient-elle sans réserve l’option nucléaire qui présente de nombreux avantages et nous avons réaffirmé ce soutien lors de la discussion du projet de loi d’orientation sur l’énergie. Nous avions alors soutenu les démarches devant conduire à la construction d’un premier réacteur nucléaire de troisième génération, l’E.P.R., nécessaire pour prendre le relais du parc des centrales actuelles. Les réacteurs E.P.R. seront plus sûrs, plus puissants et plus économes en uranium. Notre majorité a donc sur le sujet une position claire, ce qui ne l’empêche pas d’être favorable également aux énergies renouvelables et aux efforts de maîtrise d’énergie. Je ne suis pas sûr que d’autres groupes politiques soient aussi clairs que nous dans leur position vis-à-vis du nucléaire. La commission a émis un avis défavorable, à l’unanimité.

M. DESESSARD. – J’étais absent…

M. LOOS, ministre délégué. – Avis défavorable. Nous sommes d’accord pour informer et discuter, sur le nucléaire comme sur toutes les productions industrielles dangereuses ou polluantes. La loi de 2003 a institué une obligation de concertation et un plan contre les risques à prendre en compte. Nous avons fait là un grand travail.

Mais le risque zéro n’existe pas. L’objectif est de tendre vers toujours plus de sécurité. Nous souhaitons que les autorités de sûreté soient indépendantes, ce que permet désormais la loi.

Cela dit, nous avons fait le choix du nucléaire. La loi de juillet 2005 a réaffirmé la poursuite du développement de nos centrales et nous sommes prêts à mettre en chantier l’E.P.R. Lors de ses vœux, le Président de la République a demandé que nous nous préparions à mettre en chantier une centrale de quatrième génération pour 2020 et nous avons obtenu que le projet I.T.E.R. soit implanté à Cadarache. Le nucléaire est donc un choix, formellement consacré dans la loi de 2005. Nous souhaitons nous y tenir, dans l’intérêt du pays et de nos concitoyens.

M. LE CAM. – Nous souhaitons préciser la position des communistes sur l’énergie nucléaire comme nous y invite la rédaction de l’objet de l’amendement n° 193 rectifié.

Si nous approuvons beaucoup de considérants de nos collègues Verts, nous estimons, pour autant, que la solution proposée par ces amendements n’est pas la bonne. Sur la première partie, étant sensibles à la maîtrise citoyenne de l’énergie, nous sommes favorables à l’organisation d’un débat national sur les questions énergétiques dans leur ensemble.

Nos collègues Verts ne peuvent affirmer l’existence d’un « dogme du tout nucléaire au P.C.F., dogme qui vacillerait aujourd’hui ». Les communistes ont proposé depuis longtemps la complémentarité des énergies mais également le développement des énergies renouvelables.

Mais nous sommes lucides. La France acquitte chaque année une facture énergétique de 23 milliards et reste dépendante du pétrole à hauteur de 40 %. Elle doit donc trouver les moyens de compenser la faiblesse de ses ressources fossiles.

De plus, pour contenir le réchauffement, les climatologues estiment que l’humanité doit diminuer ses rejets annuels de carbone de 6 à 3 milliards de tonnes. En se substituant au charbon, les 440 réacteurs nucléaires aujourd’hui en fonctionnement permettent d’éviter chaque année le rejet d’environ 600 millions de tonnes de carbone, soit 20 % du tonnage total à « économiser ».

Le nucléaire apparaît dès lors comme un outil efficace pour lutter contre le réchauffement climatique mais également pour répondre à l’explosion des besoins.

N’oublions pas non plus que le recours à l’énergie nucléaire, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, avait pour but – ce qui reste d’actualité – de garantir notre indépendance énergétique. Le nucléaire assure aujourd’hui près de 80 % de notre production d’électricité, l’hydraulique 14 %. Arrêter le nucléaire dès 2009 nous priverait de 80 % de notre électricité et l’état actuel des connaissances ne permet pas de le remplacer si vite. De plus la poursuite des recherches dans ce secteur est fondamentale notamment pour le traitement des déchets.

La décision du Président de la République d’aller vers le nucléaire de quatrième génération, plus économe, plus sûr, produisant moins de déchets, apte au dessalement de l’eau et à la production d’hydrogène, est conforme au protocole de Kyoto. Elle nous satisfait donc et c’est pourquoi nous ne pouvons approuver la deuxième partie de cet amendement n° 193 rectifié qui propose un moratoire sur la construction de toute nouvelle tranche et, donc, de l’E.P.R.

Pourtant, et c’est là que nous rejoignons nos collègues Verts, le développement de l’énergie nucléaire a pour corollaire une meilleure prise en compte des problèmes propres à cette énergie et qui supposent une véritable maîtrise publique et le respect du principe de transparence.

L’ouverture du capital d’E.D.F. et le désengagement de l’État dans la définition de la politique énergétique ne permet pas d’assurer la transparence nucléaire. La gestion privée des entreprises énergétiques est un recul démocratique puisque les citoyens et les salariés n’ont plus leur mot à dire. La libéralisation de l’électricité amène E.D.F. à faire appel de plus en plus à la sous-traitance qui n’assure pas la sécurité des personnels, des installations et des populations.

La perte de maîtrise publique menace le financement du traitement des déchets et du démantèlement des centrales vétustes. Une entreprise privée n’assurera pas ces missions de service public.

Ce sont des questions dont il faut débattre avec la population. C’est la question de la maîtrise publique des entreprises énergétiques qu’il faut soumettre à référendum. Nous ne pouvons donc voter un amendement qui limite la consultation nationale à la seule question, réductrice, de l’abandon du nucléaire et qui propose l’arrêt de l’E.P.R.

M. COURTEAU. – Nous ne soutiendrons pas l’amendement de M. Desessard car le groupe socialiste n’est pas hostile au nucléaire. En revanche, il préconise, comme cela a été répété lors des débats sur la loi d’orientation relative à l’énergie en 2004 et en 2005, un rééquilibrage du bouquet énergétique. Il n’est pas sain que le nucléaire représente 80 % de la production d’électricité en France. Il faut développer les énergies renouvelables et encourager les économies d’énergie.

M. DESESSARD. – Je remercie les représentants des formations politiques d’avoir éclairci leur position sur le nucléaire. Loin de moi l’idée de falsifier la pensée du groupe C.R.C. Il me semblait que ce dernier était proche de celle du Parti communiste.

Pardon de citer un journal bourgeois, mais on pouvait lire dans Le Monde du 7 octobre 2006 que les dirigeants du P.C.F., dans le programme commun de la gauche radicale, acceptaient pour la première fois « la remise en cause d’un dogme : le tout nucléaire ». Pour trancher le différend entre sortie du nucléaire et maintien d’un nucléaire sécurisé, « un référendum populaire » sera organisé à l’issue d’un « débat national sur la politique énergétique ».

M. LE CAM et Mme BORVO COHEN- SEAT. – La politique énergétique, et non le nucléaire !

M. DESESSARD. – J’en prends acte mais, dans le même article, il est indiqué que « le sort du réacteur E.P.R. est suspendu à cette consultation » et que les communistes préconisent la fermeture de la centrale de Fessenheim pour des raisons de sécurité j’avais cru y voir une évolution. Je maintiens les amendements nos 193 et 194 bien qu’ils aient peu de chance d’être adoptés !

M. PONIATOWSKI, rapporteur. – Quelle lucidité !

M. DENEUX. – Les propos tenus, malgré leur caractère quelque peu excessif pour certains, nous invitent à une réflexion sur l’énergie dans une perspective de développement durable. Le nucléaire est une chance inouïe pour la France, sans lui les contraintes tenant aux engagements qu’elle a pris à Kyoto seraient bien plus sévères. Pour être crédibles, les sénateurs Verts doivent être plus cohérents. Comment défendre simultanément la sortie du nucléaire et la réduction de la consommation d’énergie ? Comment peut-on s’inquiéter de l’accumulation des déchets nucléaires – 270 tonnes par an pour la France – quand on a arrêté Super Phénix, qui offrait peut être une solution scientifique. Pour convaincre l’opinion publique du bien-fondé de vos idées – que je partage sur le fond – il faut savoir adopter une attitude plus modérée. Je voterai donc contre ces amendements.