Proposition de résolution visant à agir avec pragmatisme et discernement dans la gestion de l’eau

Je suis intervenu mardi 21 février 2017 lors de l’examen de la proposition de résolution visant à agir avec pragmatisme et discernement dans la gestion de l’eau. Vous trouverez ci-dessous le texte de l’intervention. La version vidéo est disponible au lien suivant : http://videos.senat.fr/video.332327_58ac371b3a0fc.seance-publique-du-21-fevrier-2017-apres-midi?timecode=5822000

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Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de résolution visant à agir avec pragmatisme et discernement dans la gestion de l’eau.

C’est un beau programme !

Les ambitions des auteurs de ce texte à l’intitulé flatteur semblent louables.

Les précédents intervenants ont souligné la nécessité de préserver l’eau : d’une part, nos ressources en eau ne sont pas inépuisables et le réchauffement climatique accélère fatalement leur appauvrissement en ce qu’il entraîne un désordre de la pluviométrie ; d’autre part, en plus d’être reconnu comme un droit de l’homme par les Nations unies, l’accès à l’eau potable constitue une nécessité pour la survie de l’espèce humaine. Concilier ces deux enjeux nous semble indispensable. C’est pourquoi, sur le principe, nous ne pouvons que vous rejoindre, monsieur Pointereau, sur la nécessité d’une bonne gestion de ce que l’on appelle, à juste titre, l’« or bleu ».

Une partie du texte répond aux enjeux. Il est évident que nous devons encourager la recherche en matière de techniques d’accroissement de la ressource en eau, qu’il faut accorder un soutien financier aux collectivités pour lutter contre les fuites d’eau sur les réseaux d’eau potable et que le contenu des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux doit tenir compte de l’anticipation du changement climatique.

À juste titre, vous préconisez de mettre fin à la politique de ponction des budgets des agences de l’eau pour alimenter celui de l’État. Ces établissements publics ont pour mission de contribuer à réduire les pollutions de toutes origines et de protéger les ressources en eau et en milieu aquatique. Eu égard aux enjeux, nous refusons que les budgets de ces établissements puissent jouer le rôle de variables d’ajustement.

Cependant (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.), les mesures présentées nous semblent insuffisantes pour préserver nos réserves en eau face au réchauffement climatique. La proposition de résolution préconise une application a minima des directives européennes sur l’eau et la fixation d’objectifs réalistes, pragmatiques et stables.

Le droit européen, certes, affirme que l’eau n’est pas un bien marchand, mais un patrimoine qu’il convient de défendre et de protéger comme tel.

À ce titre, la directive-cadre européenne sur l’eau du 23 octobre 2000 et les textes européens ultérieurs ont fixé un certain nombre d’objectifs en termes d’amélioration de la qualité de l’eau. L’affirmation de ces objectifs réalistes, qui ont ensuite été transposés en droit français, constitue une réponse au changement climatique qui s’impose à nous chaque jour.

Néanmoins, au regard de l’urgence de la situation, qui a été rappelée tout au long de la COP 21, notre droit doit être encore plus ambitieux et contraignant pour garantir nos ressources en eau. Or votre proposition de résolution laisse planer un doute sur votre volonté d’instaurer des règles rigoureuses, monsieur Pointereau ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

La protection de l’eau implique le respect d’un certain nombre de procédures lors de son utilisation. Pour faciliter la gestion de l’eau, vous entendez modifier ces procédures, que vous jugez complexes. Je suis tenté de vous dire que c’est la vie qui est complexe !

Dans la majorité des cas, vous ne précisez nullement en quoi consisterait cette simplification. Ce flou nous inquiète, car nous refusons que les normes environnementales soient écartées ou amoindries au nom de la simplification. Nous vous voyons venir, monsieur Pointereau !

Simplifier le droit de l’eau ne doit pas signifier détruire les protections environnementales.

Or la seule mesure de simplification explicitée dans la présente proposition de résolution vient corroborer cette inquiétude. En effet, il est proposé d’alléger les contraintes de mise en œuvre des organismes uniques de gestion collective, notamment l’obligation de réaliser des études préalables pour l’obtention de l’autorisation unique de prélèvement de l’eau.

On ne fait pas assez d’études ?

Si la gestion de l’eau doit être facilitée, cela ne doit être au détriment ni des usagers ni des normes environnementales. Sur ce sujet, il existe d’autres pistes de réflexion, qui seront abordées tout au long de la semaine.

En conclusion, si le groupe écologiste considère qu’il faut agir avec pragmatisme et discernement dans la gestion de l’eau (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.),…

… il considère également que ce pragmatisme et ce discernement doivent être dictés par un impératif de protection de l’eau face au réchauffement climatique. Cette proposition de résolution comporte des avancées, mais nous aurions aimé que soit levé le flou entourant la simplification préconisée et nous craignons une application a minima des directives européennes. C’est pourquoi nous nous abstiendrons.(Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur certaines travées de l’UDI-UC. – M. Alain Bertrand applaudit également.)