Nouvelle-Calédonie : « Soutenons les syndicats et les partis indépendantistes » (LeMagazine.info)

15 mars 2010

Par Marion Leroy

La Nouvelle-Calédonie est l’un des rares territoires français à ne pas être concerné par les élections régionales actuelles. Et pour cause, son statut de collectivité territoriale « sui generis » lui assigne un statut particulier au sein de la République française. Pour autant, les liens entre les élus métropolitains et calédoniens existent. En janvier dernier, sept élus d’Europe Ecologie-Les Verts se sont rendus en Nouvelle-Calédonie. Leur objectif ? S’enquérir du sort du leader syndical Gérard Jodar, alors emprisonné depuis juin 2009, et plus globalement de celui des syndicats et des partis indépendantistes calédoniens. Le sénateur de Paris, Jean Desessard, qui a fait partie de la délégation, revient, pour Lemagazine.info, sur cette mission à 20 000 km de la métropole.

Lemagazine.info : Pourquoi avoir fait ce déplacement en Nouvelle-Calédonie ?

Jean Desessard : En septembre dernier, à la demande d’un ami « Vert », j’avais reçu au Sénat les représentants des partis indépendantistes kanaks. Cette visite a eu lieu quelques semaines après les grèves syndicales de l’été 2009, qui avaient pour but de dénoncer l’exploitation des salariés d’origine kanake dans l’archipel ainsi que l’incarcération du leader syndical Gérard Jodar, détenu depuis le mois de juin pour « faits syndicaux ».
La délégation que j’ai reçue était composée de membres du FLNKS (Front de Libération Nationale Kanak et Socialiste), de l’Union Calédonienne et de l’USTKE (Union syndicale des Travailleurs Kanaks et Exploités), à laquelle appartient Gérard Jodar. Ces élus trouvaient sa condamnation arbitraire et ses conditions de détention particulièrement indignes. C’est pourquoi, nous avons décidé, avec Alima Boumediene-Thiery, sénatrice de Paris, Karima Delli, François Alfonsi, José Bové, députés européens, Michèle Loup et Mehdi Lallaoui, conseillers régionaux d’Île-de-France, de nous rendre sur place pour enquêter et juger par nous-mêmes de la situation.
Lemagazine.info : Quelle a été votre démarche ?

Jean Desessard : Notre objectif était de manifester, de façon symbolique, notre soutien aux syndicalistes et indépendantistes kanaks. Nous voulions montrer que les problèmes actuels de la Nouvelle-Calédonie, et notamment la détention de syndicalistes, étaient pris au sérieux par les élus métropolitains et que nous étions mobilisés sur ces questions.
Pour cela, nous entendions peser sur les institutions locales. Nous avons par exemple rendu visite au Congrès et au Sénat Coutumier. Nous avons également utilisé notre droit parlementaire pour visiter le Camp-Est, la seule prison de l’île, où a été incarcéré Gérard Jodar jusqu’au 14 janvier dernier. Nous avons ainsi pu nous rendre compte des dysfonctionnements politiques dont il a été l’objet et y dénoncer dans le même temps ses conditions de détention – bâtiments dégradés, vétustes et insalubres ; surpopulation carcérale, etc.
Lemagazine.info : Qu’avez-vous pensé de la condamnation de Gérard Jodar ?
Jean Desessard : Nous avons assisté à son audience en appel le lendemain de notre arrivée. Il avait été condamné en juin à deux ans de prison ferme pour « provocation directe à attroupement armé » et « entrave à la circulation d’un aéronef ». Ce type d’agissements pendant des grèves peut exister en métropole mais on ne met pas pour autant les gens en prison !
Pour moi, la magistrature locale s’est prononcée sous la pression politique du gouvernement calédonien. Et il est certain que l’engagement politique de Gérard Jodar en faveur de l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie est à l’origine de la sévérité de la condamnation prononcée. Cette condamnation étant absurde et contraire aux droits fondamentaux du syndicalisme, le juge l’a naturellement remis en liberté. Une victoire pour la liberté syndicale.
Lemagazine.info : Plus généralement, quels sont les rapports entre Europe-Ecologie-Les Verts et les syndicats et partis indépendantistes calédoniens ?
Jean Desessard : Nous n’avons pas de relations officielles avec eux mais plutôt une proximité de pensée, un combat commun contre l’oppression des peuples. C’est surtout José Bové qui a des relations en Nouvelle-Calédonie et y est apprécié. A la dernière élection présidentielle, il avait remporté la majorité sur l’île de Lifou, la plus importante île de la province des îles Loyauté, au Nord-Est de l’archipel.
Pour Europe-Ecologie-Les Verts, il est important de soutenir les syndicats et les partis indépendantistes face aux politiques capitalistes et à l’hégémonie des grands groupes industriels. La Nouvelle-Calédonie est directement concernée par cette situation : la multinationale canadienne Inco, par exemple, exploite allègrement ses ressources minières.
Lemagazine.info : Un référendum sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie est prévu entre 2014 et 2019. Quel est votre avis concernant les liens entre Paris et Nouméa ?
Jean Desessard : Depuis les accords de Matignon (1988) et de Nouméa (1998), la Nouvelle-Calédonie est en partie autonome : il y a un président, des ministres, un Congrès, etc. Mais cette autonomie n’est pas réellement mise en œuvre car les représentants, issus pour la majorité des rangs de l’UMP, sont trop proches de Paris.
En tant qu’élu du parti Europe-Ecologie-Les Verts, je suis pour l’indépendance, pour la Kanaky [le nom donné à la Nouvelle-Calédonie par les indépendantistes, NDLR]. Ce n’est pas un hasard si la Nouvelle-Calédonie fait partie des 16 pays inscrits par l’Organisation des Nations Unies sur la liste des territoires non-autonomes (United Nation list of Non-Self-Governing Territories), liste qui désigne les territoires dont les populations ne s’auto-administrent pas encore complètement.

Retrouvez cet article sur le site lemagazine.info