Lettre ouverte à Jean Basseres, nouveau directeur général de Pôle-Emploi

19 janvier 2012

M. Jean Bassères,

Vous avez pris vos fonctions le 19 décembre 2011 en tant que directeur général de Pôle Emploi. Vous arrivez à ce poste alors que la crise économique sévit depuis trois ans et Nicolas Sarkozy depuis 5 ans : aujourd’hui un actif sur six est inscrit à Pôle Emploi, et la France compte plus de 4,2 millions de chômeurs. Malgré les besoins, le service public de l’emploi est maltraité par le gouvernement qui vient à nouveau de baisser de 12% le budget de la mission Travail-Emploi pour 2012 alors que manquait déjà 125 millions d’euros l’année passée. Alors que l’objectif défendu par l’ancienne ministre de l’économie Christine Lagarde, était que chacun des conseillers de Pôle Emploi suivent une soixantaine de demandeurs d’emploi, les conseillers suivent plus de 130 usagers en moyenne, parfois jusqu’à plus de de deux cents. De plus, pour faire des économies, les effectifs ont été réduits de 1800 postes au cours de l’année précédente. Les conseillers sont débordés, et n’ont pas les moyens de remplir correctement leur mission, d’autant plus qu’ils ne sont pas épargnés par la précarité qui touche 15 % d’entre eux.  Ces conseillers Pôle Emploi en CDD sont même souvent embauchés en Contrat Unique d’Insertion, des contrats subventionnés réservés aux chômeurs ayant besoin d’un accompagnement vers l’emploi. Belle ironie : d’anciens chômeurs, désormais travailleurs précaires en insertion, conseillent des demandeurs d’emploi. Pire, ceux-ci enchaînent les CDD et doivent quitter leur poste, en raison de l’interdiction du cumul de ces contrats atypiques, au moment où ils commencent à appréhender efficacement leur mission. Jusqu’à présent, Pôle Emploi se satisfait de ce turn-over car il permet d’éviter les titularisations. Pour cela, il semble fondamental que les salariés bénéficient de contrats stables et équitables, tout comme vous qui êtes le seul titulaire du statut de fonctionnaire à Pôle Emploi.

Le chômage, ce n’est pas seulement se retrouver sans activité, c’est perdre une partie de ses revenus, de sa sociabilité. La vie personnelle est bouleversée ; c’est une épreuve très douloureuse. En tant qu’écologiste, je soutiens l’idéal de donner à chacun un revenu qui permette de vivre dignement, idéal que l’assurance chômage ne remplit pas puisque plus de la moitié des demandeurs d’emploi sont non-indemnisés et que leur nombre tend à augmenter. Si une part des chômeurs n’est pas indemnisée faute d’avoir assez cotisé, d’autres sont victimes de radiations abusives. Celles-ci sont trop nombreuses et dépendent directement du travail de vos services. Les organisations de chômeurs ont mis en exergue la sévérité accrue, souvent injustifiée et parfois même illégale à l’encontre des demandeurs d’emploi.

Ces radiations abusives ont été niées par l’ancienne direction prétextant le faible nombre de recours auprès du médiateur. C’est oublier que tous les chômeurs ne sont pas forcément à même d’entreprendre une saisine du médiateur. En outre, les usagers de Pôle Emploi ne sont pas informés de leurs droits, même le site internet officiel ne les mentionne pas. Face à ce problème crucial, il faut que les usagers soient enfin informés de leurs droits et vous devez mettre fin à la politique délibérée de radiations abusives jusqu’alors conduite pour amoindrir la courbe du chômage.     Radiés, ce sont environ 500 000 chômeurs qui perdent leurs indemnités durant deux mois pour absence à convocation. Deux mois sans revenus pour n’avoir pas vu un sms ou un mail, ou n’avoir pas répondu à un appel téléphonique qui conviait à un rendez-vous, c’est disproportionné et injuste. C’est d’autant plus scandaleux que la dématérialisation, si elle semble un progrès de communication, ne permet pas à l’usager de prouver sa bonne foi avec une pièce matérielle puisqu’elle n’existe pas. Il est urgent de revoir ces pratiques brutales et cette injuste grille des sanctions. Ce climat d’incompréhension envers les usagers crée des tensions. La politique du chiffre, plutôt que celle de la qualité, entraîne le non traitement des dossiers d’inscription incomplets. Ceux-ci ne sont pas renvoyés, ce qui permet de minimiser statistiquement les retards de traitement. Cette pratique génère de l’agressivité chez l’usager qui n’est ni informé, ni indemnisé. Il est de votre responsabilisé d’apaiser la relation entre salariés et usagers. Le service public ne doit pas être au service de l’affichage politique du gouvernement, mais comme l’a rappelé l’ancien médiateur de Pôle Emploi, Benoit Genuini, Pôle Emploi»devrait être obsédé par la qualité du service rendu à l’ensemble des usagers».

Il est de votre ressort d’améliorer la situation, vos salariés et les demandeurs d’emploi comptent sur vous.

Bien  à vous,

Jean Desessard, sénateur écologiste de Paris.