Débat sur la situation et l’avenir de la Poste

illustration-article-la-posteJe suis intervenu le 8 décembre 2016 au cours d’un débat dans l’hémicycle sur la situation et l’avenir de la Poste.

Vous trouverez au lien suivant la vidéo de l’intervention: http://videos.senat.fr/video.267263_58495da5acc14.seance-publique-du-8-decembre-2016-apres-midi?timecode=2066000 et ci-dessous sa version écrite.

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Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie d’abord le groupe CRC d’avoir demandé l’inscription de ce débat sur la situation et l’avenir de La Poste à l’ordre du jour de nos travaux.

La droite est quelque peu absente.

Mme Éliane Assassi. Il ne reste pas grand monde à droite !

M. Bernard Vera. C’est un euphémisme !

M. Jean Desessard. La situation de La Poste ne l’intéresse peut-être pas !

Mme Éliane Assassi. Elle veut réduire le nombre de fonctionnaires !

M. Pierre Frogier. Nous sommes là !

M. Jean Desessard. Certes, mais aucun membre de votre groupe n’est inscrit pour participer à ce débat !

Mme la présidente. La droite n’est pas moins absente que la gauche, monsieur le président Desessard !

M. Jean Desessard. Que nous représentions des territoires urbains ou des territoires ruraux, ce sujet nous concerne tous… ou presque ! Avec des conséquences différentes, toutes nos circonscriptions connaissent des fermetures de bureaux de poste. De Paris – eh oui ! – au Maine-et-Loire en passant par le Val-de-Marne, aucun territoire ne fait exception.

Le mouvement auquel on assiste suscite l’inquiétude des écologistes, et ce à double titre : d’une part, pour l’avenir de la mission du service public postal, d’autre part, pour le devenir des agents qui la mettent en œuvre.

Les écologistes souscrivent évidemment au principe de mutabilité du service public, en d’autres termes, au principe selon lequel le service postal doit s’adapter aux évolutions technologiques et aux besoins de la société. La diminution croissante de courriers papier, d’un côté, l’augmentation du nombre de commandes sur internet, d’un autre côté, sont naturellement des réalités que nous avons à l’esprit. Pourtant, si nous comprenons la mise en place de solutions de substitution comme le regroupement de différents services publics au sein de dispositifs comme les maisons de service public, nous sommes plus sceptiques quant à l’installation de points relais dans certains commerces.

En effet, cette proposition est insatisfaisante. Quid de la nécessaire confidentialité qui entoure le service public postal ? Quid de la confusion entre lieu de consommation et lieu d’exercice d’une mission de service public ? On peut, en outre, imaginer d’autres leviers de développement via de nouvelles offres. Ainsi a été mis en place le service « Veiller sur mes parents » : les facteurs sont chargés de rendre des visites régulières aux personnes âgées qui en font la demande, favorisant ainsi leur maintien à domicile.

Cela implique de revenir à la notion de service public, au service des gens, et non d’être soumis aux impératifs de productivité, aux flux tendus. Quand a-t-on le temps de s’occuper des gens, quand est-on disponible, sinon lorsque l’on n’est pas soumis à des rythmes de rentabilité ? Cela n’est pas possible aujourd’hui.

Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes un peu responsable (M. Christophe Sirugue, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé de l’industrie manifeste son étonnement.), et je vais y venir. Nous constatons que la tendance actuelle impulsée par le conseil d’administration de La Poste est à la fermeture systématique des bureaux de poste non rentables. J’y vois là, et j’y viens, monsieur le secrétaire d’État, une contradiction avec les importants abattements fiscaux dont bénéficie La Poste pour assurer une présence sur l’ensemble de notre territoire. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe CRC.)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Absolument !

M. Jean Desessard. Monsieur le secrétaire d’État, l’État comptant parmi les actionnaires majoritaires de La Poste, vous êtes le garant de la notion de service public.

Mme Éliane Assassi. Très bien !

M. Jean Desessard. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, si nous considérons que le service public postal doit évoluer, cela ne doit pas se faire au prix de son démantèlement progressif. Surtout, cette évolution ne doit pas être guidée par les seuls objectifs de rentabilité. Il s’agit plutôt d’apporter un service social de proximité, point qui a déjà été souligné par les orateurs précédents.

Les fermetures de bureaux de poste ont également des conséquences pour les agents en charge de ce service public. Elles impliquent des suppressions d’emplois : on assiste au non-remplacement de 20 000 départs alors que La Poste a bénéficié de plus de 900 millions d’euros de baisses d’impôts avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. (Eh oui ! sur plusieurs travées du groupe CRC.)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. On acquiesce !

M. Jean Desessard. Ces chiffres sont difficilement compréhensibles.

Ces départs entraînent des désorganisations à l’origine de mal-être, de souffrance, d’incertitude pour l’avenir, de surcharge de travail… De préoccupante, la situation des personnels de La Poste est devenue alarmante. Ainsi, neuf facteurs se sont suicidés ces trois dernières années et cinq autres ont tenté de mettre fin à leurs jours sur leur lieu de travail. Par ailleurs, le taux d’absentéisme est très élevé. Les experts du comité d’hygiène et de sécurité de La Poste se disent vivement préoccupés. Le climat social semble délétère. La santé, la sécurité et le bien-être des travailleurs ne doivent en aucun cas, qui plus est quand il s’agit du service public, constituer une variable d’ajustement pour répondre à une logique de rentabilité.

Au-delà du cas de La Poste, ce débat nous donne opportunément l’occasion de rappeler l’attachement des écologistes aux services publics. Nous ne devons jamais oublier que ceux-ci étaient au cœur du programme du Conseil national de la Résistance, avec pour objectif la lutte contre la misère et les inégalités.

Mme Laurence Cohen. Très bien !

M. Jean Desessard. Ces mots ont une résonnance particulière dans le contexte actuel où la crise économique structurelle ne cesse de creuser les inégalités. Cette réalité, adjointe à celle d’une société de plus en plus fracturée, doit nous alarmer.

Les services publics sont le patrimoine de ceux qui n’en ont pas. (Bravo ! sur les travées du groupe CRC.)C’est notre devoir de les préserver.

La droite a ouvert une large brèche en 2010 lorsqu’elle a transformé La Poste en société anonyme. Ces dernières années, nous le constatons, la situation a empiré. Monsieur le secrétaire d’État, nous nous interrogeons : quelle est la prochaine étape de la logique de rentabilité actuellement à l’œuvre ? La privatisation ?

Mme la présidente. Il faut conclure.

M. Jean Desessard. Je conclus, madame la présidente.

Vous l’aurez compris, la situation actuelle de La Poste inquiète le groupe écologiste à de multiples points de vue. Ces craintes méritent l’ouverture d’états généraux du service postal, réunissant rapidement toutes les parties prenantes, afin de définir concrètement les contours de ce service public et les moyens qui lui sont concédés. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)