Proposition de loi pour le maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes

Je suis intervenu jeudi 23 février 2017 lors de l’examen de la proposition de loi pour le maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes. Vous trouverez ci-dessous le texte de son intervention. Seul le prononcé fait foi. La version vidéo est disponible au lien suivant: http://videos.senat.fr/video.338374_58aee1aa425ba.seance-publique-du-23-fevrier-2017-apres-midi?timecode=9970000

(Crédits photos: Sénat)

 

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Madame la Présidente, monsieur le Ministre, monsieur le Rapporteur, chers collègues, quand le groupe écologiste inscrit à notre ordre du jour une proposition de loi dont l’objet est l’effectivité du droit à l’eau potable et à l’assainissement pour tous, il est accusé par la droite sénatoriale de manœuvre électorale. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)

Eu égard au procès d’intention qui nous a été fait hier, que rétorquer aujourd’hui à cette même droite sénatoriale lorsqu’elle propose un texte d’affichage sur le thème de l’eau ? Il est évident que la présente proposition de loi envoie un message clair aux élus locaux, autrement dit aux grands électeurs, à l’approche du renouvellement partiel de notre assemblée, au mois de septembre prochain…

En effet, avec cette proposition de loi, vous vous targuez, mes chers collègues, de revenir sur la réforme du bloc communal, en écartant le caractère obligatoire du transfert des compétences en matière d’eau et d’assainissement des communes aux communautés de communes dont elles sont membres. C’est d’autant plus étonnant que, en décembre, un orateur de la droite sénatoriale a motivé son refus de voter en faveur de notre proposition de résolution sur l’eau au nom précisément de la gestion par l’intercommunalité ! Que faut-il comprendre ?…

Vous entendez aujourd’hui remettre en cause une partie de la loi NOTRe du 7 août 2015, autrement dit vous souhaitez « détricoter » la nouvelle organisation territoriale de notre République. Cela revient à renier un an de débats parlementaires, répartis en deux lectures, à renier le compromis trouvé entre l’Assemblée nationale et le Sénat.

Il n’était pas évident de parvenir à un tel compromis. En ce sens, l’exemple de la compétence « eau » est particulièrement édifiant. En effet, le régime juridique est issu d’un accord entre le rapporteur de l’Assemblée nationale, M. Olivier Dussopt, du groupe socialiste, et le rapporteur du Sénat, M. Jean-Jacques Hyest, du groupe Les Républicains. Le remettre ainsi en cause n’a de sens ni du point de vue politique ni du point de vue de la légitimité du travail parlementaire.

Sur le fond, votre proposition de loi tend à écarter le caractère obligatoire, à compter du 1er janvier 2020, du transfert des compétences des communes en matière d’eau et d’assainissement aux communautés de communes dont elles sont membres. Nous comprenons que cette modification des compétences communales interpelle les élus locaux. Toutefois, n’oublions pas qu’il faut parfois forcer le destin pour obtenir des évolutions souhaitables de notre droit positif.

En effet, rétablir la liberté, pour les communes, de transférer ou non certaines de leurs compétences ne nous paraît pas opportun. D’une part, cela induirait un manque de cohérence juridique d’un territoire à l’autre. D’autre part, le niveau de l’intercommunalité nous paraît le plus adapté pour gérer les compétences « eau » et « assainissement », et ce à plusieurs égards.

Tout d’abord, mutualiser la gestion de ces deux compétences au niveau des communautés de communes permet, par définition, de réaliser des économies d’échelle. Ces dernières sont bienvenues quand on sait les contraintes budgétaires qui pèsent sur les collectivités locales – il en a longuement été question hier –, du fait en particulier de la baisse constante des dotations de l’État.

Pragmatiquement, cela permet aussi une simplification dans la gestion ; pragmatisme et simplification, notions que vous avez ardemment défendues au sein de cet hémicycle pas plus tard que mardi dernier.

Dans le même ordre d’idées, il ne faut pas oublier que l’exercice des compétences « eau » et « assainissement » coûte cher et peut constituer un véritable poids pour les petites communes. Ces dernières ne sont alors pas en mesure de gérer directement en régie ces services publics et sont souvent contraintes de les déléguer à des entreprises privées. Celles-ci, très souvent guidées par un objectif de rentabilité, ne sont pas les acteurs les plus à même, selon nous, d’assurer une mission d’intérêt général.

Surtout, la conséquence de la délégation de service public, pour les collectivités, est double : premièrement, le recours au privé coûte cher aux communes et aux habitants, qui voient leurs factures augmenter ; deuxièmement, on dépossède les élus locaux de leur capacité de mise en œuvre et de gestion d’un service public fondamental. Ainsi, la mutualisation à l’échelle intercommunale permettrait de pallier ces difficultés.

Enfin, retenir le niveau de l’intercommunalité est également avantageux du point de vue de l’usager. En effet, comme l’a souligné M. le ministre, le prix de l’eau varie d’une commune à une autre. La mutualisation à l’échelle intercommunale, en plus de diminuer les coûts de gestion, entraînera un rééquilibrage des tarifications, et donc des factures d’eau.

Pour le groupe écologiste, le transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes est le fruit d’un compromis politique auquel la droite sénatoriale a contribué et qui présente à terme des avantages pour les communes et leurs gestionnaires comme pour les usagers de ces services publics. C’est pourquoi nous ne soutenons pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)